
Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif. Revue Hypnose & Thérapies Brèves HS19.
Un homme était adressé par son psychiatre pour de l’hypnothérapie. Le patient, 54 ans, avait reçu le diagnostic de trouble fonctionnel intestinal chronique associé à un trouble anxieux. Il avait développé plusieurs épisodes dépressifs et fait deux tentatives de suicide pour lesquelles il avait été hospitalisé en psychiatrie. Il prenait régulièrement des antalgiques opiacés et des anxiolytiques. La première séance a servi d’anamnèse et de réajustement des objectifs thérapeutiques attendus avec l’hypnose. La deuxième séance contenait l’exercice hypnotique des « mains de Rossi », centré sur l’ambivalence entre le changement et l’homéostasie. Au troisième rendez-vous, il rapportait être moins anxieux, prendre un peu moins d’anxiolytiques, mais aucun changement sur la douleur abdominale. En lui proposant de continuer à l’aide de l’hypnothérapie avec les signaux idéomoteurs (SIM), il disait « oui », mais sa tête montrait plutôt « non ». Cela a permis de continuer à explorer l’ambivalence au changement. Il utilisait la phrase « on peut essayer... », qui sous-entend déjà l’échec. Après le lui avoir fait remarquer, il se positionne pour continuer et nous mettons en place les quatre SIM dans les doigts d’une main en catalepsie. Pour rappel, ces signaux sont : OUI, NON, JSP (je ne sais pas) et JVPR (je ne veux pas répondre ou je ne suis pas prêt à répondre pour le moment).
- Thérapeute : « Sentez-vous que vos douleurs abdominales sont liées à un tiraillement dans plusieurs directions ?
- Patient : OUI.
- Th. : Serait-ce acceptable de rendre conscient ce conflit intérieur aujourd’hui ?
- P. : NON.
- Th. : Sentez-vous qu’il faudrait libérer une émotion avant de le rendre conscient ?
- P. : OUI.
- Th. : Sentez-vous qu’il serait acceptable de savoir quelle émotion doit être libérée ?
- P. : NON.
- Th. : Sentez-vous qu’il doit se passer quelque chose entre aujourd’hui et le prochain rendez-vous, pour qu’il soit possible de rendre cette émotion consciente ?
- P. : OUI.
- Th. : Allez-y, dites-moi ?
- P. : Il faudrait que je liste mes traumatismes.
- Th. : Entendu, faites cela, et on reprendra la prochaine fois. »
Lors de la quatrième consultation, il n’en avait pas dressé la liste, mais y avait « beaucoup pensé ».
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Dr Stéphane Radoykov Médecin psychiatre, ancien chef de clinique assistant, praticien contractuel (Hôpital Cochin) et remplaçant libéral. Formateur. Directeur adjoint de l’Institut Emergences. Cofondateur du comité jeunesse de l’ISH.
Soigner les troubles psychosomatiques Sommaire du hors-série n°19
Merci à Eric Bardot et Stéphane Roy d’avoir co-dirigé ce « Hors-Série » de 196 pages sur les troubles psychosomatiques : chacun pourra y découvrir l’importance de la psychodynamique relationnelle et de l’imaginaire pour soutenir la démarche thérapeutique et permettre à chacun d’habiter son corps.
Les trois premiers articles s’ouvrent sur la clinique dermatologique... A travers l’histoire très émouvante de Lucas, 4 ans, souffrant d’eczéma, Virginie Bardot propose de mettre en forme le monde relationnel familial figé dans lequel les symptômes de l’enfant sont tout puissants. En réintroduisant le jeu, et en s’appuyant sur un scénario imaginaire co-construit avec l’enfant, les parents pourront se reconnecter à la souffrance de leur fils, retrouver leur capacité à prendre soin de lui de façon inconditionnelle et lui permettre de retrouver des relations sécures.
Stéphane Roy nous rappelle comment le déficit de l’imaginaire et des affects nécessite de travailler d’une manière relationnelle, émotionnelle et systémique. Il nous fait comprendre comment la TLMR (Thérapie du Lien et des Mondes Relationnels) est une technique de choix dans le traitement des troubles psychosomatiques. Avec Martine, atteinte de psoriasis à plaques géant, nous voyons comment la capacité de donner une existence symbolique au symptôme physique va lui permettre de se reconnecter à une histoire de vie porteuse de sens.
Véronique Bonnet nous fait partager son expérience relationnelle de dermatologue avec deux patientes : l’une souffrant de rougeurs chroniques du visage, et l’autre de douleurs à type de brûlures post-zona. Lisez ces beaux témoignages et vous découvrirez comment le « vertige de l’amour » d’Alain Bashung nous fait sentir le lien vivant entre la peau et le cœur.
Avec Eric Bardot, vous ferez la connaissance de Marie, 34 ans, qui rêve d’être une fille parfaite et une employée modèle. Malheureusement, elle s’enferme dans le silence et une boule dans la gorge ainsi que des maux de tête l’envahissent depuis de nombreux mois. L’auteur, concepteur de la TLMR, nous montre son savoir-faire et sa pédagogie pour créer un chemin qui donne le droit à Marie de respirer et d’exister.
Gérard Ostermann nous rappelle l’importance de dépasser la dichotomie corps-esprit pour s’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale. Il nous ouvre à la compréhension de la psychosomatique intégrative développée par le professeur Jean Benjamin Stora. Vous lirez la présentation et l’interview de ce chercheur et clinicien, figure majeure dans le domaine de la psychosomatique.
Pour Gérald Brassine la psychosomatique rejoint la liste des phénomènes hypnotiques dotés d’une fonction protectrice puissante. A partir d’un cas de polyarthrite rhumatoïde, il met expérimentalement en évidence comment la douleur somatique protège de douleurs émotionnelles que le sujet ne parvient pas à assimiler. Le travail en PTR (Psychothérapie Trauma Réassociative) consiste à transformer le souvenir traumatique et les émotions afférentes pour sortir de la rigidité des défenses psychosomatiques.
Dans son article, Mady Faucoup aborde la question de la honte en psychosomatique, à propos de deux patientes de 50 ans à la recherche d’une plus grande liberté et qui souffrent de sensations de brûlures au cou. Nous saisissons l’importance d’externaliser le problème sur une scène métaphorique et d’utiliser des mouvements alternatifs pour permettre à ces femmes de retrouver une expérience d’unité corporelle.
Pierre Pétillot, ostéopathe et praticien en hypnose, insiste sur le lien entre les douleurs et les émotions. A travers deux situations cliniques (algodystrophie du genou et douleurs abdominales), nous découvrons une pratique où l’accordage, les temps de réflexion et de co-construction d’un espace commun permettent une prise en charge holistique du soin, le sujet devenant pleinement acteur de sa guérison.
Les kinésithérapeutes sont également confrontés à des patients souffrant de douleurs figées dans des constructions identitaires. Marie-Anne Jolly nous présente le cas d’un homme ayant des douleurs sur tout le côté gauche de son corps. Elle insiste sur l’authenticité des échanges afin que le patient perçoive le thérapeute comme un témoin de vie lui permettant de se relier à sa mobilité relationnelle.
L’article suivant concerne le diagnostic de trouble fonctionnel intestinal chronique associé à un syndrome anxiodépressif atteignant de nombreux patients. Dans ce cadre, Stéphane Radoykov nous présente l’utilisation des signaux idéomoteurs en hypnothérapie pour faire émerger un contexte où la prise de décision sera le premier pas vers un grand changement.
Pour terminer le voyage, Pierre Kivits nous emmène dans l’œuvre de Marcel Proust, un des plus grands auteurs du XXe siècle. Comme avec tous les grands écrivains, le lecteur rentre en transe et vit les expériences intérieures et sensorielles du héros engagé dans une quête de vérité. L’originalité de cet article est de nous faire découvrir le VAKOG de Proust, ou comment l’écrivain asthmatique a pu libérer sa créativité en se connectant à sa sensorialité.
Enfin, pour clore toutes ces riches réflexions, Eric Bardot, Julien Betbèze et Stéphane Roy nous proposent un échange à trois voix pour comprendre la transe comme un processus de protection et d’activation de l’autonomie relationnelle. Encore merci à tous les auteurs : leur expérience, leur créativité et leur complémentarité ont permis de construire un numéro passionnant.
Dans les sanctuaires du SHINTŌ. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 77.
A l’entrée du sanctuaire se dresse un grand portique, souvent rouge vermillon, l’une des images emblématiques du Japon. Il marque symboliquement la transition entre le monde extérieur et l’espace sacré. « Chaque visite d’un jinja est une expérience unique et inoubliable.
Comme en hypnose, où chaque séance, chaque transe, a ses propres caractéristiques, sa propre atmosphère, ses propres connexions multiples. En se promenant dans ces lieux à l’énergie profonde, où des cèdres souvent centenaires nous invitent dans leurs ombres mystérieuses, on entre dans une autre dimension, dans une transe (autohypnose) souvent surprenante. On ne peut alors que s’imprégner de la beauté des lieux, de leur silence si particulier » (1).
Cela fait écho à la construction du lieu ressource en hypnose, où l’on guide la personne vers la création d’un espace mental sécurisant, un sanctuaire intérieur. De la même manière, les sanctuaires naturels du shintō – forêts sacrées, sources limpides, cascades – rappellent certaines métaphores thérapeutiques couramment utilisées en hypnose : marcher dans une forêt intérieure, écouter le murmure d’une rivière imaginaire, ou se laisser envelopper par une cascade bienfaisante.
Dans le shintō, la connexion à la nature est essentielle pour préserver l’équilibre physique et mental. Se recueillir devant un arbre vénéré, se rendre dans un sanctuaire niché au cœur d’une forêt sacrée ou encore pratiquer le shinrin yoku (bain de forêt) sont autant de pratiques reconnues pour leurs bienfaits sur la santé. La vision japonaise du monde naturel ne repose pas sur un dualisme entre l’homme et son environnement, mais sur une relation intime, où humains et nature coexistent comme les membres d’une même grande famille. En hypnose, on observe combien la nature imprègne les perceptions des patients et joue un véritable rôle thérapeutique.
Les rituels de purification occupent une place importante dans le shintō. Ils visent à éliminer les impuretés (kegare) affectant l’équilibre physique, mental et spirituel. Dès l’entrée du sanctuaire, un bassin d’ablutions invite à un rituel codifié. Cette démarche trouve un parallèle en hypnothérapie lorsqu’au début de la séance on guide la personne à travers les couches du mental analytique, souvent agité, pour atteindre un état plus fluide, intuitif et profond. La purification par l’eau rappelle les inductions hypnotiques fondées sur des métaphores aquatiques, tandis que l’usage du sel ou du feu évoque certaines suggestions de purification par la lumière ou les flammes.
De nombreux sanctuaires shintō sont consacrés aux pratiques de guérison. Citons le Goō jinja (Kyōto), particulièrement fréquenté pour les prières liées à la guérison des blessures, et le Sai jinja (Nara) qui possède un puits contenant une eau médicinale utilisée dans certains traitements traditionnels. Lors de certaines
fêtes rituelles (matsuri), les prêtres récitent des prières adressées aux divinités pour éloigner la maladie et restaurer la vitalité. Ces cérémonies, rythmées par les tambours (taiko), la musique et la danse, représentent une forme de transe collective. Le Nagoshi no harae, en juin, est un rituel de purification où les participants traversent un grand cercle de paille pour se libérer des impuretés accumulées et renforcer leur énergie vitale.
Dans les sanctuaires, les fidèles accrochent des ema, petites plaques votives en bois, sur lesquelles ils inscrivent leurs prières et dessinent parfois la partie du corps à soigner pour guider l’aide des dieux. Ces plaques sont ensuite brûlées lors du dondoyaki, un festival du feu célébré mi-janvier dans tout le Japon, où l’on consume également les décorations du Nouvel An afin de symboliser un renouveau spirituel et de prier pour la prospérité de l’année à venir.
A travers ces rituels, le shintō illustre une approche holistique du soin, où le sacré et la guérison s’entrelacent dans une relation vivante entre l’homme et les forces spirituelles, les kami...
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Dr Bruno Bréchemier Médecin, hypnothérapeute, à Paris. Formé à l’AFEHM, sa pratique clinique s’inscrit dans la lignée de François Roustang. Son intérêt pour
le Japon l’a amené à publier Hypnose-Japon. Rencontre en résonance (Satas, 2024) où l’hypnose thérapeutique rencontre la culture japonaise. Formateur en hypnose et en santé intégrative.
N°77 : Mai / Juin / Juillet 2025
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
La société contemporaine: perfection et fabrique des TOC
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) constituent une pathologie mentale complexe qui touche une proportion significative de la population mondiale. La prévalence de ces troubles semble en hausse, particulièrement dans les sociétés modernes où les pressions sociales et culturelles peuvent exacerber leur développement. Comme le montre le cas de Sophie exposé ci-dessous, des facteurs sociaux contribuent à la recrudescence des TOC dans une société prônant la perfection des corps et la réussite. On remarque ainsi que les personnes atteintes de TOC ont souvent du mal à accepter l’imperfection, tant dans leur propre vie que dans celle des autres. Cette intolérance à l’imperfection peut alimenter des obsessions et des rituels compulsifs. Des études indiquent que les patients souffrant de TOC présentent souvent des biais métacognitifs, comme la fusion pensée-action morale (Frontiers, 2024). Regardons de plus près pour comprendre les mécanismes psychologiques sous-jacents.
ÉTUDE DE CAS : SOPHIE,UNE JEUNE PROFESSIONNELLE DANS UNE GRANDE VILLE
Sophie a 28 ans. Elle vient consulter à la clinique des TOC (1). Depuis un an, elle travaille comme analyste financière dans une grande ville. Elle a toujours été une élève brillante et a réussi avec succès ses études universitaires dans une école de commerce prestigieuse. Mais depuis qu’elle a commencé à travailler, elle ressent une pression immense pour exceller dans son travail. Sophie vit seule dans un appartement qu’elle a récemment acheté et passe la plupart de son temps à travailler, souvent tard dans la nuit.
Symptômes et comportements
Depuis quelques mois, Sophie a remarqué une augmentation de son anxiété. Elle est constamment préoccupée par l’idée de faire des erreurs au travail et vérifie à plusieurs reprises ses calculs et rapports, même après les avoir revérifiés plusieurs fois. Et peu à peu, cette angoisse de l’imperfection a gagné tous les domaines de sa vie. A la maison, par exemple, elle se sent obligée de vérifier que toutes les portes et fenêtres sont fermées plusieurs fois avant de pouvoir se coucher. Elle passe également une quantité excessive de temps à nettoyer et à organiser son espace de vie, craignant que tout désordre ne reflète une incapacité à contrôler sa vie.
En interrogeant son environnement, plusieurs facteurs sociaux apparaissent nettement. Sophie ressent une pression intense pour être performante et compétente dans son travail. L’environnement compétitif de son entreprise, combiné à une culture de l’excellence continue, augmente son anxiété et contribue à ses comportements compulsifs. Les réseaux sociaux influencent également son anxiété. Lorsqu’elle n’est pas au travail, Sophie passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux, où elle voit constamment des images de ses collègues et amis qui semblent réussir parfaitement dans tous les aspects de leur vie. Cela renforce son sentiment de ne jamais en faire assez et son besoin de perfectionnisme.
En vivant seule et en consacrant la majorité de son temps au travail, Sophie se retrouve souvent isolée socialement. Ce manque de soutien social et d’interactions humaines significatives contribue à intensifier ses sentiments d’anxiété et ses comportements obsessionnels.
Processus psychologiques sous-jacents
Un perfectionnisme maladaptatif : Sophie souffre d’un perfectionnisme maladaptatif, croyant que tout écart par rapport à la perfection pourrait entraîner des conséquences négatives majeures, comme perdre son emploi ou être mal vue par ses collègues.
Un besoin de contrôle : pour Sophie, les rituels compulsifs (vérifications répétées, nettoyage excessif) sont une manière de gérer son anxiété. En contrôlant minutieusement certains aspects de sa vie, elle cherche à compenser un sentiment d’incertitude ou de perte de contrôle perçu dans d’autres domaines, comme au travail.
Un renforcement négatif : les comportements compulsifs de Sophie sont renforcés par une réduction temporaire de son anxiété. Par exemple, vérifier plusieurs fois que la porte est verrouillée réduit momentanément son inquiétude, ce qui renforce la probabilité qu’elle répète ce comportement.
Intervention et résultats
À travers des tâches comme « comment aggraver ? », « mettre un peu de désordre » et « faire un peu moins bien », Sophie apprend à identifier et à challenger ses pensées perfectionnistes et catastrophistes.
Prévalence et âge d’apparition
Chez les personnes recherchant un traitement pour les TOC, l’âge d’apparition des symptômes semble légèrement plus précoce chez les hommes que chez les femmes. Une étude par Lensi et al. en 1996 a rapporté que l’âge moyen d’apparition chez les hommes est de 21 ans et de 24 ans chez les femmes. Ces études montrent également que les symptômes apparaissent souvent avant l’âge de 15 ans pour environ un tiers des patients et avant 25 ans pour environ deux tiers d’entre eux.
Facteurs déclenchants et comorbidités
Plusieurs facteurs environnementaux peuvent déclencher les TOC. Rasmussen et Eisen (1988) ont mesuré que 29 % des patients attribuaient le début de leurs symptômes à des événements stressants tels que des responsabilités accrues ou des pertes importantes. De plus, une étude de Williams et Koran en 1997 a révélé que 62 % des femmes interrogées rapportaient une aggravation des symptômes prémenstruels.
Les TOC sont souvent associés à d’autres troubles mentaux. Une étude sur 100 patients souffrant de TOC a révélé une comorbidité élevée avec la dépression majeure (31 %), la phobie sociale (11 %) et les troubles
de l’alimentation (8 %). Cette comorbidité complique la prise en charge des patients et affecte négativement leur qualité de vie.
Impact sur la qualité de vie et le fonctionnement social
Les TOC altèrent significativement la qualité de vie des patients. Une étude menée par Koran, Thienemann et Davenport en 1996 a montré que les patients souffrant de TOC modérés à sévères et ne prenant pas de médicaments avaient des performances sociales et professionnelles inférieures à celles de la population générale et des patients diabétiques. Les TOC peuvent également entraîner des problèmes relationnels, une perte de vie sociale et des difficultés à maintenir des relations amoureuses.
Normes sociales et pression de réussite
Les sociétés modernes imposent souvent des normes élevées de réussite, de perfection et de conformité. Cette pression constante pour atteindre des objectifs irréalistes et inaccessibles peut conduire à un sentiment d’incapacité et d’insatisfaction, contribuant ainsi au développement des TOC. Les individus peuvent recourir à des comportements obsessionnels-compulsifs pour tenter de répondre à ces attentes irréalistes. Selon l’OCD-UK, les attentes sociales, en particu lier celles promues par les médias et la culture populaire, peuvent exacerber les symptômes des TOC en alimentant des standards inatteignables de perfection personnelle (OCDUK).
Des recherches montrent que les normes sociétales influencent la perception de soi et des autres, contribuant à des croyances rigides sur l’apparence physique et la perfection. Cette influence peut conduire à l’apparition de troubles obsessionnels, tels que le trouble dysmorphique corporel, où l’individu développe une obsession malsaine pour des défauts mineurs ou imaginaires de son apparence (MentalHelp.net).
Une société de la perfection :
influence des médias et des réseaux sociaux Les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans la propagation du perfectionnisme. Les plateformes comme Instagram, Facebook et LinkedIn sont inondées d’images de réussite personnelle et professionnelle, de corps parfaits, et de vies apparemment sans défauts. Cette exposition constante à des standards inatteignables crée une pression pour se conformer à ces idéaux. Une étude publiée par le Journal of Social and Clinical Psychology indique que l’utilisation des réseaux sociaux est corrélée à des niveaux
accrus de perfectionnisme et d’anxiété chez les jeunes adultes. Le cas de Laura illustre parfaitement comment cet « effet de miroir social » où les individus comparent leur propre vie à celle, filtrée et souvent embellie, des autres conduit à une vision déformée de la réalité, où les utilisateurs perçoivent leurs propres accomplissements comme insuffisants par rapport à ceux des autres.
ÉTUDE DE CAS : LAURA SUR INSTA
Laura est une utilisatrice active des réseaux sociaux. A 24 ans, elle passe en moyenne trois heures par jour sur Instagram. Elle utilise cette plateforme principalement pour rester en contact avec ses amis, suivre les actualités, et s’inspirer de personnes influentes dans son domaine professionnel. Cependant, au fil du temps, Laura a commencé à ressentir une pression croissante pour se conformer aux images et aux récits de réussite qu’elle voit en ligne.
Contexte et symptômes
Laura a toujours été une personne consciencieuse, soucieuse de bien faire, que ce soit dans ses études ou au travail. Cependant, depuis qu’elle a intensifié son utilisation des réseaux sociaux, elle remarque un changement dans sa perception de soi et dans ses attentes personnelles. Elle se compare constamment aux autres utilisateurs qui semblent mener des vies parfaites. Les photos de corps sculptés, de vacances de rêve et de réussites professionnelles étalées sur les réseaux sociaux ont fait naître en elle un sentiment d’insatisfaction et d’inadéquation.
Elle commence à se fixer des objectifs irréalistes, tant sur le plan personnel que professionnel. Par exemple, elle se sent obligée de suivre un régime strict et de faire du sport tous les jours pour atteindre le « corps parfait » qu’elle voit sur Instagram. Professionnellement, elle est constamment à la recherche de nouvelles compétences à acquérir pour être à la hauteur des profils qu’elle voit. Cette quête incessante de la perfection entraîne chez elle un stress et une anxiété croissants.
Conséquences psychologiques et sociales
Les effets sur la santé mentale de Laura deviennent de plus en plus apparents. Elle commence à éprouver des sentiments d’anxiété avant de publier des photos ou des mises à jour de statut, craignant de ne pas recevoir suffisamment de « likes » ou de commentaires positifs. Cette peur du jugement et de l’échec contribue à son sentiment de ne jamais être « assez bien ». Sa vie sociale en pâtit également. Laura commence à éviter les rencontres avec ses amis, de peur d’être jugée sur son apparence ou ses accomplissements. Elle se sent déconnectée et isolée, même en présence de ses proches. Sa relation avec son partenaire souffre également, car elle se concentre davantage sur l’image qu’elle projette en ligne plutôt que sur ses interactions réelles.
Lorsque le thérapeute a demandé à Laura « comment aggraver ? », la jeune fille a hésité, puis elle a conclu : « Plus je regarde ces photos, plus je m’empoisonne. Et dire que la majorité des photos sont fausses ou retravaillées... » En se concentrant sur des activités qui lui apportent un vrai bonheur, comme la lecture, la promenade et le temps passé avec des amis proches, elle s’est remise dans la vie réelle et a réduit son temps en ligne. Après cinq séances, elle a reconnu commencer à se libérer de la pression du perfectionnisme.
Manifestations du perfectionnisme : comportements et attitudes
Bien que le perfectionnisme puisse initialement sembler bénéfique dans le milieu professionnel, il peut en réalité réduire la productivité et la satisfaction au travail. Les perfectionnistes peuvent passer un temps excessif sur des détails insignifiants, retardant ainsi l’achèvement des tâches importantes. De plus, leur insatisfaction constante face à leur performance peut entraîner un épuisement professionnel et une baisse de motivation. Dans ce cas, le perfectionnisme se manifeste par des comportements et des attitudes tels que la procrastination, la peur de l’échec et une autocritique sévère. Les perfectionnistes ont tendance à éviter les situations où ils pourraient échouer ou être perçus comme imparfaits. Cette peur de l’échec peut les conduire à procrastiner, car ils préfèrent remettre à plus tard une tâche plutôt que de risquer de ne pas la réaliser parfaitement. C’est le cas d’Alexandre, un jeune homme de 28 ans travaillant dans le domaine du marketing digital, piégé par la peur de l’échec.
ÉTUDE DE CAS : ALEXANDRE VEUT ÊTRE PARFAIT
Dès le début de sa carrière, Alexandre s’est fixé des standards extrêmement élevés, espérant se distinguer par son travail impeccable. Toutefois, ces attentes élevées se sont rapidement transformées en un piège, générant une peur paralysante de l’échec, une tendance à la procrastination, et une autocritique sévère.
Contexte
Alexandre est employé par une agence de marketing reconnue et travaille sur des projets de grande envergure pour des clients importants. Depuis son embauche, il se sent constamment sous pression pour exceller et produire un travail sans défaut. Il passe de longues heures à analyser chaque détail, revoyant sans cesse ses propositions et ses campagnes avant de les présenter. Malgré le fait que ses supérieurs aient déjà exprimé leur satisfaction quant à la qualité de son travail, Alexandre est toujours convaincu qu’il pourrait faire mieux. Or, cette obsession de la perfection commence à influencer son comportement au travail. Alexandre a peur de soumettre son travail tant qu’il ne le considère pas parfait, ce qui le pousse à retarder la soumission de ses projets. Par conséquent, il se retrouve souvent à travailler sous une pression accrue pour respecter les délais, ce qui entraîne du stress et de l’anxiété.
Effets psychologiques
Professionnellement, Alexandre commence à se sentir submergé par le volume de travail accumulé à cause de son besoin devenu obsessionnel et compulsif de tout vérifier. Ses collègues et supérieurs commencent à remarquer ses retards constants et, bien que la qualité de son travail soit excellente, le manque de respect des délais affecte la dynamique de l’équipe et le flux de travail de l’agence. A la maison, Alexandre se critique sévèrement pour son incapacité à gérer son temps et son travail de manière plus efficace. Il ressent un profond sentiment d’échec chaque fois qu’il réalise qu’il a encore une fois repoussé une tâche importante. Son autocritique devient un cycle vicieux : il se blâme de ne pouvoir être parfait, ce qui le pousse à vérifier encore plus et à être en incapacité de rendre son travail dans les temps impartis. Tout cela le pousse à éviter les tâches par peur de nouvelles déceptions. Cette situation a également des effets néfastes sur son bien-être émotionnel. Alexandre commence à ressentir des symptômes de stress et d’anxiété. Il a des difficultés à dormir, passe ses nuits à ressasser ses erreurs passées et à anticiper des critiques futures. Sa confiance en lui s’effrite progressivement, et il commence à douter de ses compétences et de sa valeur en tant que professionnel.
Le cas d’Alexandre illustre comment le perfectionnisme peut conduire à l’obsession, à l’épuisement et à une peur intense de l’échec. Son besoin de produire un travail parfait le paralyse au point de ne plus pouvoir agir, créant une spirale d’autocritique. Le perfectionnisme de ce type est souvent basé sur des croyances irrationnelles, comme l’idée que toute erreur est inacceptable ou que chaque tâche doit être réalisée sans aucun défaut. Le thérapeute a prescrit à Alexandre son symptôme : « Si tu vérifies une fois, tu dois le faire cinq fois » qui a saturé l’habitude dysfonctionnelle du jeune homme. Parallèlement, la prescription « afficher un petit défaut » lui a peu à peu permis de baisser son niveau d’exigence. En apprenant à accepter l’imperfection comme une partie naturelle du processus créatif et professionnel, il a surmonté ses tendances perfectionnistes. Il en rit aujourd’hui.
Relations interpersonnelles
Dans les relations interpersonnelles, le perfectionnisme peut conduire à des attentes irréalistes envers les autres, entraînant des conflits et des déceptions. Les perfectionnistes peuvent également éprouver des difficultés à exprimer leurs émotions et à demander de l’aide, de peur de paraître faibles ou imparfaits. Prenons le cas de Marie, une femme de 32 ans travaillant dans le secteur de la finance, dont le perfectionnisme influence non seulement sa propre vie, mais aussi ses relations avec les autres. En appliquant ses attentes très élevées envers les personnes qui l’entourent, Marie est souvent confrontée à des conflits et des frustrations.
ÉTUDE DE CAS : MARIE ET LA TYRANNIE DE LA PERFECTION
Marie est en couple avec Julien depuis cinq ans. Ils ont une relation généralement stable, mais Marie a tendance à s’attendre à ce que Julien se conforme à ses standards élevés, que ce soit dans la gestion des tâches ménagères ou dans la manière dont il organise sa vie professionnelle et personnelle. Par exemple, elle insiste pour que tout soit rangé de manière impeccable dans leur maison et se montre critique lorsque Julien ne suit pas ses méthodes. Marie exprime rarement ses émotions de manière ouverte, de peur d’être perçue comme vulnérable ou imparfaite. Elle pense que demander de l’aide ou montrer ses faiblesses serait un signe de faiblesse, ce qui la conduit à refouler ses sentiments et à accumuler du ressentiment. Cela rend la communication difficile dans leur relation, car Julien ne sait souvent pas ce que Marie pense ou ressent vraiment...
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Grégoire Vitry PhD, systémicien, formateur, directeur et associé de LACT, directeur de SYPRENE. Docteur-chercheur en psychologie, diplômé de l’école de Palo Alto.
Travaille depuis plusieurs années avec Giorgio Nardone, Nathalie Duriez, Michael Hoyt, Teresa Garcia, Jean-Jacques Wittezaele, Wendel Ray et le MRI afin de promouvoir la recherche et la formation en approche systémique.
Il développe depuis 2016 SYPRENE, un réseau PRN (Vitry et al., 2021, 2022, 2023) en approche systémique permettant notamment d’améliorer sa pratique en étroite collaboration avec le monde universitaire. Il est également en charge de l’école internationale LACT et du congrès International Webinar Brief Therapy.
Auteur, coauteur ou directeur des ouvrages : Quand le travail fait mal, Stratégies de changement : 16 prescriptions thérapeutiques, Comprendre et soigner les addictions, Sortir de l’addiction ?, La thérapie brève systémique stratégique, Le grand livre du diagnostic systémique et de l’intervention stratégique.
Emmanuelle Gallin Thérapeute systémicienne, chargée de recherche à LACT et doctorante en sciences de gestion à l’université de Limoges. Ses recherches portent sur le rôle des croyances dans le modèle de Palo Alto.
Professeur de yoga spécialisée dans la régulation des troubles sensoriels, elle est l’auteure de TSA, TED, TDAH, ce yoga est pour vous, coauteure du Grand livre de diagnostic systémique et de l’intervention stratégique, auteure également d’articles de recherche.
Formation ACS Approche Centrée Solution au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX.
Revue Hypnose et Thérapies Brèves 77 N°77 : Mai / Juin / Juillet 2025
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
Cothérapie avec Romain: faire émerger les relations sécures. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 77.
Celui-ci fige Romain dans le contrôle et le repli sur soi, vaincre le « Démon » lui permettrait de retrouver des relations humaines saines et vivantes...
Une des façons de voir la thérapie est de la percevoir comme un travail qui portera sur deux axes : d’un côté la déconstruction et de l’autre la construction. Déconstruction de ce qui entretient le pouvoir de l’histoire dominatrice saturée par le problème. Construction de ce qui entretient le pouvoir de l’histoire préférée de la personne, influencée par son principe de vie. La déconstruction passe par le fait d’éloigner et de diminuer le pouvoir dissociatif des relations qui entretiennent le problème. La construction passe par le fait de faire émerger et de renforcer la dimension sécure des relations potentiellement vivantes.
En effet, l’ambiance relationnelle qui colore les situations dans lesquelles le sujet se trouve sera liée au maillage relationnel avec lequel il est en lien. Si, à un niveau inconscient, dans une situation, je suis connecté à des relations qui me voient comme une personne avec qui une relation de confiance est possible, je peux me percevoir comme ayant confiance en moi et prendre ma place. Si, à l’inverse, le contexte est triangulé par des relations qui me voient comme n’ayant pas de valeur, je vais me percevoir comme inférieur, indigne et je voudrais disparaître de la situation.
On peut dire que l’identité est un nœud de relations. C’est le « club de vie » dont parle Michael White. Nous pouvons en voir une illustration à travers l’histoire de Romain, qui a donné son accord pour partager le contenu de nos échanges de façon anonymisée. Romain a 25 ans, ça fait maintenant près de six mois que nous travaillons ensemble et nous commençons à faire une équipe de co-thérapeutes bien aguerrie.
COTHÉRAPIE POV : LE PSY AU PREMIER RENDEZ-VOUS
- Thérapeute : « Je prends des notes à l’ordinateur en même temps qu’on discute, c’est OK pour vous ?
- Romain : ...
- Th. : La prise de notes ça me permet de mémoriser ce que nous partageons et d’organiser ma pensée.
- Romain : D’accord.
- Th. : Il y a peut-être deux autres choses que j’aimerais préciser sur la prise de notes si je peux prendre une minute pour les évoquer ?
- Romain : ... (détourne les yeux du mur à sa droite pour croiser mon regard un instant).
- Th. : La première, ça va sans dire mais parfois ça va mieux en le disant. C’est de dire que toutes les notes que je prends vont dans le dossier médical sur mon ordinateur et ne sortiront pas de ce bureau. C’est le secret professionnel. Tout ce qu’on se dit reste un secret entre vous et moi. La seconde c’est de dire que si mes notes sont confidentielles pour tout le monde, elles ne le sont pas pour vous, et vous pouvez me demander de les imprimer pour vous à tout moment.
- Romain : ... (me regarde de façon plus appuyée).
- Th. : Oui, parce que dans ma façon de travailler, j’aime me dire que lors de nos conversations je prends des notes pour nous deux. Comme entre les rendez-vous peut-être que vous pourriez être amené à prendre des notes pour nous deux. Prendre des notes sur des choses que je pourrais peut-être vous proposer d’observer, ou qui sait, des expériences que je pourrais vous proposer de réaliser, entre les rendez-vous, comme co-thérapeute. Ça peut être OK pour vous ?
- Romain : ... (moue sceptique).
- Th. : Mais peut-être que vous souhaitez que je précise co-thérapeute ?
- Romain (d’une faible voix) : Oui, co- Thérapeute je ne connais pas trop ce mot...
- Th. : J’ai tendance à croire que si une personne n’a pas réussi à sortir d’une problématique avec ses propres compétences, il ne s’agit pas qu’elle renonce à ses compétences pour s’appuyer exclusivement sur les compétences de quelqu’un d’autre. Mais plutôt de voir comment l’on peut mutualiser des compétences qui se situent à des niveaux différents. Si on peut dire que je suis un expert de la santé mentale en général, et des liens que ça peut avoir avec les différentes parties de la vie en général ; on peut dire que vous êtes l’expert de votre santé à vous, et des liens que ça a avec les différentes parties de votre vie à vous. On peut dire que vous êtes l’expert de votre propre vie. On voit donc qu’il peut y avoir un bénéfice à mettre en commun ces compétences plus spécifiques et plus générales pour augmenter la probabilité de sortir de la problématique. Vous êtes d’accord avec ça ?
- Romain (se redresse) : Bien sûr. »
Au début ça n’a pas été facile. Romain avait déjà rencontré de nombreux psys malgré son jeune âge et il savait qu’il n’avait presque aucun espoir à attendre de ce côté-là. « Ça fait des années que je fais des thérapies et que j’ai des traitements qui ne fonctionnent pas. » Romain était très fermé, et ses réponses à mes questions étaient toujours allusives, floues, voire absentes. On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, nous a appris le cardinal de Retz. Il a fallu plusieurs semaines pour identifier le « Démon Bloqueur », nom que notre travail d’enquête commun a permis d’attribuer au problème qui avait pris le pouvoir sur une grande partie de l’expérience de vie de Romain.
Le Démon Bloqueur dit : « Mets une carapace de protection ! » Quand il exerce ses effets il fait avoir peur du jugement, il pousse Romain à être dans le contrôle pour s’adapter aux autres et il empêche d’être soi-même. « On me pose des questions et j’essaie de répondre à côté parce que je n’ai pas envie de me livrer », « je suis bloqué, je fais tout pour disparaître »... Mais c’est typiquement un de ces pièges à double-fond dont les problèmes sont friands. Les problèmes poussent à mettre en œuvre une tentative de solution face au piège qu’ils ont tendu, qui va sembler de bon sens mais est en fait contre-productive et va aggraver la situation. « En fait, quand il me fait faire ça je vois que ça renvoie l’image de quelqu’un de pas bien, d’introverti, qui ne veut pas s’ouvrir aux autres. Quelqu’un de pas normal. Du coup, le Démon Bloqueur arrive à leur faire croire que je suis nul. Je le vois dans le regard de ma mère et de mon père à table. Et ça les pousse à me parler avec jugement, méchanceté, dénigrement. »
Le pire : le Démon Bloqueur empêche la « création d’amitié saine », qui est ce qui guide Romain dans la vie et lui donne du sens. Nous avons pu faire émerger ensemble, à travers de nombreuses anecdotes, que pour lui, quand la « création d’amitié saine » est là, les relations humaines sont vivantes. Il y a des intentions partagées d’écoute, de compréhension et de bienveillance, et « ça permet à chacun de se confier, de se livrer, de tomber les masques ». Ce qui « permet de se rendre compte qu’on est pareil, de se sentir compris, et pas jugé. Et ça fait un cercle vertueux ».
Hélas, comme en prônant l’évitement de tous contacts humains, et en questionnant la possibilité de la confiance dans la relation humaine, le Démon Bloqueur empêchait de vivre ce qui donne du sens à la vie pour Romain, une seule issue semblait possible : le suicide. En effet, si dans le monde il ne peut y avoir que du jugement, comment quitter son appartement sans être envahi par une peur panique, à l’idée de se jeter dans la fosse aux lions ? Mais sous la couette, au bout d’un moment il n’y a qu’un froid sidéral et un vide sans fond. C’est l’impasse, et la mort semble être la solution pour ne plus souffrir. « Son projet c’est de me faire abandonner. Il veut m’empêcher d’être moi-même et de vivre une vie normale. Alors que quand je résiste, je deviens moi, une autre personne que celle qu’il veut que je sois. »
Mais aujourd’hui nous n’en sommes plus là, et Romain a le plaisir de m’annoncer...
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DR JÉRÉMIE ROOS Médecin psychiatre, psychothérapeute et formateur en psychothérapies. Formé à l’hypnose, thérapies brèves, TLMR et thérapie narrative. Exerce en libéral à Aix-en-Provence.
Formation ACS Approche Centrée Solution au CHTIP COLLÈGE D’HYPNOSE ET THÉRAPIES INTÉGRATIVES DE PARIS, à l’Institut INDOLORE, à l’Institut HYPNOTIM.. Elle est Membre de France EMDR IMO.
Elle est formatrice entre autre sur l'Approche Centrée Solution dans le cadre du CHEMSEX.
Sommaire du numéro 77 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves N°77 : Mai / Juin / Juillet 2025
Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce numéro :
Editorial : « L’empathie et la compassion comme fil d’or du soin » Julien Betbèze
8 / En couverture : Anne Dayot De sable et d’algues Sophie Cohen
10 / Désamorcer les traumas et se replacer dans l’existence par la Psychothérapie du Trauma Réassociative (PTR) Marine Manouvrier et Gérald Brassine
20 / Chemsex, trauma et EMDR-IMO . L’échelle de mesure « croire en moi » Sophie Tournouër
28 / Cothérapie avec Romain Faire émerger les relations sécures Jérémie Roos
36 / La voie métaphorique en « super-inter-vision ». Comment développer la créativité. des soignants Claire Conte-Rossin et Catherine Martin
ESPACE DOULEUR DOUCEUR
46 / Introduction Gérard Ostermann
50 / Empathie et compassion Deux forces pour soigner autrement Olivier de Palézieux
61 / INTERVIEW Mylène Blasco Propos recueillis par Gérard Ostermann
68 / DOSSIER TOC
70 / La société contemporaine : Perfection et fabrique des TOC Grégoire Vitry et Emmanuelle Gallin
82 / La pensée magique dans les TOC Typologie des rituels magiques Claude Michel
QUIPROQUO
98 / Les obsessions S. Colombo, Muhuc
BONJOUR ET APRÈS...
102 / André et son ventre Pour une séance plus qu’émouvante Sophie Cohen
LES CHAMPS DU POSSIBLE
106 / Se cogner au réel Adrian Chaboche
CULTURE MONDE
114 / Dans les sanctuaires du shintō Bruno Bréchemier
LIVRES EN BOUCHE
120 / J. Betbèze et S. Cohen
125 ESPACE FORMATIONS
Illustrations: Anne DAYOT
Psychosomatique et dermatologie. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
La notion du sensible de cet organe peau, le sensible chez l’humain, me questionne depuis le début de mes études de dermatologue. Cette perception qui permet de s’accorder dans la relation et mobiliser les ressources vivantes des personnes est une façon d’aborder plus globalement le patient. En tant que thérapeute, je vis l’utilisation de l’hypnose, de l’HTSMA/TLMR (hypnose, thérapies stratégiques et mouvements alternatifs/Thérapie du lien et des mondes relationnels), de la thérapie narrative (TN), comme une autorisation. C’est une invitation à déployer la dimension naturelle de l’éprouvé, pour un partage, plus authentique, avec les patients. Aider à recréer le lien humain porteur de vie, dans toute sa singularité et sa diversité, m’inclure dans le processus vivant qui touche, transforme et fait croître. La peau est un organe de toucher, au propre comme au figuré, ce qui faisait dire à Paul Valéry : « ce qu’il y a de plus profond chez l’homme, c’est sa peau ». Histoire de toucher physique, de toucher psychique, chez Didier Anzieu dans son Moi-peau (1). La peau est un énigmatique support d’inscription, mais aussi une surface pour cacher, protéger, éprouver la relation, le lien à l’autre, à soi, au monde. Elle métaphorise la question de la relation et de l’autonomie relationnelle. Une partie de l’inconscient est corporelle, dit Milton Erickson. « La conscience corporelle est orientée vers l’ajustement relationnel et l’homéostasie » (2). Par la peau, nous éprouvons le contact avec nous-mêmes, les autres, ou parfois leur absence. Le corps éprouve des sensations, il perçoit des émotions. Ce peut être une information intuitive profonde au travers du vécu d’un dysfonctionnement corporel. Cette capacité relationnelle, médiée par l’imaginaire, est altérée lors des processus psychosomatiques.
La notion de traumatisme complexe prend en compte la somatisation comme une tentative de solution face à des situations de stress ou peurs récurrentes. La peau métaphorise. Et la métaphore est un bon médiateur pour convoquer alors l’imaginaire chez les patients. Dans le concret de la séance, en mobilisant le sensible et l’affect, la métaphore partagée crée des ponts entre le corps et l’esprit pour embarquer des mouvements de vie. Elle recrée des relations vivantes, dans un espace-temps où le problème n’est pas présent. Dans les séances, la première étape est d’accorder un soin particulier à installer une relation thérapeutique. Il s’agit de faire émerger une relation entre le patient et le thérapeute suffisamment sécure pour en faire un socle de confiance. C’est un lien qui est d’ailleurs questionné très régulièrement lors des entretiens (3)...
La deuxième étape a pour but de défusionner le patient de son problème. Il s’agira de faire émerger le contexte du problème, afin d’éviter de travailler sur l’identité de la personne, en allant voir ce qui vient se mettre en lien avec la problématique, et le patient ; observer alors la forme que cela prend. En TLMR, cela se travaille sur une scène imaginaire. En TN, le patient n’ayant pas accès au départ aux intentions positives, différentes portes d’entrée vont être possibles (4). La TN ou la TLMR tiennent compte du rythme du patient, et des processus de vie qui émergent au fur et à mesure des interactions. Dans le premier entretien, je me sers parfois de petits exercices hypnotiques pour faire éprouver au patient une expérience de calme (ou de « plus calme »), malgré son problème, même par une petite partie du corps, de façon à commencer à créer des expériences alternes qui vont tester l’accordage patientthérapeute, et peut-être aussi faire apparaître un objectif pour la séance.
CAS CLINIQUE 1 : LAETICIA ET ÉRYTHRO-COUPEROSE
Entre rougeurs et transparence, comment être en relation avec l’autre ? Laeticia, 42 ans, une très jolie femme, vient pour des rougeurs chroniques du visage (érythro-couperose) qui la gênent. Elle précise : « J’ai l’impression que ces rougeurs viennent révéler aux autres la gêne que j’éprouve dans les moments émotionnels. » Les questions des effets secondaires des traitements sont mises au devant de l’échange. La patiente se montre méfiante. Je propose un traitement par laser vasculaire pour effacer les traces rouges. Deux séances viennent à bout du problème. Je témoigne à Laeticia du fait qu’elle ait une peau plus belle au bout d’une séance. Ça la touche beaucoup.
Et à deux mois après la deuxième séance :
- Thérapeute : « Votre peau a retrouvé sa transparence, votre teint est beau, qu’en pensez-vous ? Je la sens insatisfaite, en désarroi...
- Laeticia : Je pensais que la gêne allait disparaître avec le traitement... Mais il n’en est rien... Ça a réactivé quelque chose que je connais déjà : je ne me sens pas vue... je me sens transparente... encore plus mal qu’avant... » (« Effacer les rougeurs, une tentative de solution », me dis-je...) Nous convenons de nous revoir cette fois-ci en entretien. Le questionnement du « je me sens transparente » se met en lien avec « difficulté de se mettre en relation ».
- Laeticia : « Je n’aimais pas mes rougeurs, pourtant les rougeurs montraient que j’existais, quelque part. D’ailleurs, depuis que je n’ai plus de rougeurs, j’ai de plus en plus de douleurs diffuses. » (Il s’agit de douleurs connues, sur un corps surentraîné de marathonienne.) Insatisfaction du résultat cutané, et déplacement du symptôme... Je réalise à quel point un problème esthétique peut être en lien avec une vulnérabilité sous-jacente, un traumatisme. La peau, comme les autres organes, transcrit à sa façon toutes les informations qui nous traversent. La poétique des organes emprunte les voies, quelque part, entre intéroception, extéroception, proprioception, inflammation, nociception... Laeticia passe de « j’ai des rougeurs » (un symptôme qui porte la relation : j’existe, je me sens en lien mais par l’intermédiaire de la gêne liée à mes rougeurs) à la situation « je n’en ai plus, et c’est le vide relationnel qui s’installe ».
- Laeticia : « C’est ancien ce sentiment d’être transparente. Pourtant, j’aimerais prendre mon envol, être plus autonome et indépendante, reprendre les manettes, reconduire, par exemple, mais je suis seule, je ne me sens pas soutenue. J’ai des douleurs et je me sens seule, car mes proches ne partagent pas mes souffrances. J’ai peur de m’enfermer dans cette situation... » Elle a peut-être encore plus peur d’en sortir... prise entre son désir d’acquisition de la liberté dans la relation, et la prison d’un monde abandonnique. Elle éprouve sa vitalité en se dépassant par le sport à outrance. Elle me fait remarquer qu’elle a la sensation de ne même pas écouter le corps dans la souffrance du sport. Elle s’en coupe, de cette souffrance, en y exerçant son contrôle. La peau apaisée, ça lui parle de quoi ? Non pas de la tranquillité à laquelle elle croyait accéder, mais de son monde abandonnique. Elle ne peut donc pas se réjouir d’un compliment ; elle ne peut pas l’entendre, le recevoir dans l’histoire dominante dysfonctionnelle qui vit encore au travers d’elle. Ses parents ont divorcé quand elle avait 6 ans. Elle dit avoir été « la béquille » de sa mère, prise dans une relation fusionnelle compliquée. Nous ferons un pas supplémentaire vers l’éprouvé de « je me sens transparente » lorsque Laeticia revoit une scène, un soir bien particulier où elle attendait sa mère...
Elle avait mis la table comme tous les soirs et avait préparé un bon repas surprise. La maman, en rentrant, décline le cadeau du repas à partager, car elle dit avoir un rendez-vous à l’extérieur avec un homme. « Mon rayon de soleil », comme elle nommait sa mère à ce moment, la quitte. « Tu vas passer la soirée chez la voisine », lui dit sa mère. A cette évocation, une douleur envahit la poitrine de Laeticia. Je lui demande si elle a besoin de mon aide dans le cadre de cette séance, là où elle en est. Elle acquiesce. Nous prenons tout le temps dont elle a besoin pour qu’elle se connecte à cette douleur et la tristesse en lien, pendant que je l’accompagne avec des mouvements alternatifs oculaires. Laeticia se met à mieux sentir la présence dans ses pieds, puis ses jambes. La respiration se libère, circule dans le corps. Peu à peu, lorsque l’intensité de l’émotion diminue et qu’elle devient mobilisable, je lui propose de choisir l’une de ses mains et d’y « déposer la tristesse ». Ensuite, de déposer le dos de sa main sur la paume de la mienne, tout en portant son attention à l’espace entre nos deux mains, et à la sensation ressentie en retour. (Cette modélisation de TLMR travaille le lien à l’autre, en accompagnant le déroulement des ressentis.)
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Dr VÉRONIQUE BONNET Médecin dermatologue, hypnothérapeute, installée en libéral à Saint-Rémy-lès-Chevreuse (Yvelines). Formée à l’hypnose à la Pitié-Salpêtrière, et en HTSMA à l’Institut Miméthys. Membre de l’Association française de dermatologie psychosomatique
Commandez ce Hors-série de la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°19 SOMMAIRE
06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze
10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy
12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen
14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot
28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy
40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet
52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot
71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann
78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann
94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine
106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup
120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot
134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly
146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov
152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits
164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy 152 / Poême Ce corps K. Ficini
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Psoriasis géant. HS 19 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.
• défaillance de la mentalisation (environnement familial dysfonctionnel avec des difficultés à nommer et à contenir les affects de l’enfant, entravant le développement de la capacité à penser et symboliser) ;
• prédominance des réponses somatiques : dans l’enfance, lorsque les émotions ne peuvent pas être intégrées psychiquement, elles s’expriment souvent par le corps. Cela devient un mode d’expression privilégié.
D’une manière globale, la pensée opératoire peut également être une manière de faire face aux traumatismes psychiques. En effet, en évitant la réflexion sur des émotions douloureuses, le patient se réfugie dans une pensée utilitaire et sans affect. Dans le cas des troubles psychosomatiques, le patient éprouve des difficultés à identifier, différencier ou exprimer ses émotions. Ceci est un aspect central de la pensée opératoire. Le patient va souvent décrire ses symptômes ou les événements de manière détachée, sans leur associer une dimension émotionnelle. Le langage privilégié sera celui du descriptif et du factuel, sans recours au langage métaphorique ou à une élaboration symbolique. Les conflits psychiques qui ne trouvent pas de voie d’expression par la pensée ou le langage vont se décharger par le corps. Cela explique la survenue de manifestations somatiques dans des contextes émotionnels complexes ou stressants. Lorsque la pensée opératoire domine, les émotions non exprimées ou non reconnues se manifestent directement par des symptômes physiques. Ce fonctionnement mental limite les capacités du sujet à transformer ses expériences internes en récits signifiants, ce qui aggrave la vulnérabilité au stress. Enfin, le déficit dans l’expression émotionnelle peut entraîner des incompréhensions ou des malentendus dans les relations interpersonnelles. La Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR), qui a déjà fait l’objet de nombreux articles précédemment dans la Revue, est une approche thérapeutique innovante qui se distingue par plusieurs aspects originaux, à la croisée des dimensions relationnelles, émotionnelles et systémiques. Elle est une thérapeutique de choix dans le traitement des troubles psychosomatiques en se centrant sur ce qui fait lien ; aussi bien sur le plan intrapsychique qu’interpersonnel. Plutôt que de se focaliser uniquement sur l’individu ou sur ses symptômes, elle met en lumière la qualité des liens que la personne établit avec les autres, avec elle-même, avec le monde auquel elle appartient. Le lien devient le point de départ et le fil conducteur de l’exploration thérapeutique.
Nous partons du postulat que chaque individu évolue au sein de différents contextes relationnels qui représentent les espaces où se construisent et s’expriment nos relations (couple, famille, monde professionnel, relations amicales, etc.). L’ensemble de ces contextes et leurs interactions entre eux viennent structurer et enrichir ce que l’on appelle un « monde relationnel ». L’intérêt majeur de cette approche réside dans l’exploration de ce monde relationnel afin de mieux comprendre ses règles implicites et ses dynamiques spécifiques et comment l’individu interagit au sein et avec ce monde.
Vignette clinique
Afin d’illustrer au mieux les propos ci-dessus, je vous propose de suivre une première séance que j’ai eu l’occasion de réaliser avec une patiente souffrant de psoriasis...
Martine a 57 ans. Elle est séparée et à deux enfants. Depuis de nombreuses années, elle est suivie par un dermatologue pour un psoriasis à plaques géant au bras droit. Celui-ci démarre du poignet et s’étend jusqu’en haut de l’épaule et occupe la surface interne et externe du bras. Elle a déjà bénéficié ultérieurement de séances de psychothérapie principalement basées sur la parole. Elle dira que d’une certaine manière cela lui allait bien puisqu’elle n’avait pas besoin de trop ressentir les choses. Pour rappel, le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau, non contagieuse, qui se manifeste par des plaques rouges recouvertes de squames blanches ou argentées. Ces plaques peuvent apparaître sur différentes parties du corps, notamment le cuir chevelu, les coudes, les genoux, le bas du dos, ou encore les ongles. Il se manifeste par une accumulation de cellules mortes à la surface de la peau, formant les squames. Malgré de nombreux traitements principalement à base de crèmes ou pommades et quelques périodes de rémission, Martine ne voit pas de franche amélioration. Elle se sent très gênée, voire honteuse, surtout en période estivale lorsqu’elle doit se dévêtir. Voici donc le script de la séance (MO pour mouvements oculaires)...
- Thérapeute : « Bonjour Martine !
- Martine : Bonjour !
- Th. : Est-ce acceptable pour vous de m’expliquer en quelques mots ce qui vous amène aujourd’hui ?
- Martine : Oui, bien sûr. C’est mon dermatologue qui m’a conseillée de venir vous voir.
- Th. : Oui...
- Martine : Voilà, je souffre d’un psoriasis au bras droit (elle tire la manche de son pull vers le bas en même temps qu’elle parle). Cela fait longtemps que j’ai ça.
- Th. : Quand vous dites longtemps, c’est combien longtemps ?
- Martine : J’ai 57 ans… je dirais depuis une bonne trentaine d’années au moins. Au début ça allait, mais cela n’a fait que grandir au fur et à mesure.
- Th. : D’accord. Nous pouvons revenir un instant sur les raisons qui ont poussé votre dermatologue à vous adresser vers moi ?
- Martine : Oui.
- Th. : Imaginons que votre dermatologue soit présent avec nous ici, maintenant, qu’est-ce qu’il nous dirait de votre venue ?
- Martine : Je crois qu’il dirait qu’il ne sait plus quoi faire avec moi et c’est pour cela qu’il m’envoie vers vous.
- Th. : Oui, j’entends, mais il sait que je ne suis pas médecin mais psychologue ?
- Martine : Oui, oui... Je crois qu’il pense que mon problème est psychologique.
- Th. : Et qu’est-ce qui l’amène à penser ça ?
- Martine : Je sais pas...
- Th. : Et vous, qu’en pensez-vous ?
- Martine : Je suis sceptique... Je ne vois pas en quoi un problème de peau pourrait être psychologique... J’ai déjà fait quelques séances avec un psy mais ça n’a rien donné...
- Th. : Si j’ai bien compris, c’est ce que pense votre dermatologue qu’il y aurait un lien entre ce problème et le psychologique ?
- Martine : Apparemment oui !
- Th. : Et vous avez confiance dans son jugement ?
- Martine : Même si je reste sceptique, j’ai confiance dans son avis. Il m’a toujours beaucoup soutenue, même dans les moments de dépression.
- Th. : De dépression ?
- Martine : Bah oui ! Des fois j’en ai tellement marre de ce truc que ça me rend triste.
- Th. : Et c’est le cas à cet instant ? La tristesse est présente ?
- Martine : Oui... (elle retient ses larmes).
- Th. : Dans ce qui est en train de se passer là, maintenant, Martine, avez-vous besoin d’aide ou bien vous gérez la situation ?
- Martine : Non, non, ça va, je gère. -Th. : Très bien, OK. Martine, puisque vous faites confiance à votre médecin et en son jugement, comment allons-nous pouvoir nous appuyer dessus afin que cet échange vous soit le plus utile ?
- Martine : S’il m’a dit de venir vous voir, c’est qu’il sait ce qu’il fait. Donc je suis prête à essayer.
- Th. : Quand vous dites “essayer”, vous voulez dire quoi ?
- Martine : Bah, que peut-être il y a un lien entre mon “pso” et ce qu’il y a dans ma tête.
- Th. : Et quel lien faites-vous s’il y a un lien ?
- Martine : Je sais pas... C’est pas clair (des larmes montent à nouveau).
- Th. : Martine, est-ce que vous acceptez que je puisse vous proposer quelque chose pour nous aider à continuer ?
- Martine : Oui.
- Th. : Martine, est-ce acceptable pour vous que votre main droite vienne se déposer paume vers le haut dans ma main gauche ?
- Martine : Oui (sa main se dépose timidement).
- Th. : Est-ce acceptable si nous partageons, vous et moi, ce que cela a comme effets lorsque nos deux mains sont en contact ?
- Martine : Oui... C’est un peu étrange. C’est un peu comme si ma main voulait se poser complètement mais que ma tête disait “non, faut pas”.
- Th. : Vous m’autorisez à partager ce qui est présent chez moi ?
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Stéphane ROY Psychologue, psychothérapeute, docteur en psychologie. Il est aujourd’hui installé en cabinet libéral. Il est formateur et codirige l’Institut Mimethys.
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06 / Éditorial Troubles Psychosomatiques S’engager dans une médecine plus holistique bio-psycho-sociale J. Betbèze
10 / Avant-propos Une exploration de territoires où corps et esprit se rejoignent E. Bardot et S. Roy
12 / En couverture Anne Donzé et Vincent Chagnon S. Cohen
14 / Le pouvoir de l’eczéma Décontaminer le parent des effets du symptôme V. Bardot
28 / Psoriasis géant De la pensée opératoire à la pensée symbolique par la Thérapie du lien et des mondes relationnels (TLMR) S. Roy 40 / Psychosomatique et dermatologie : La peau, métaphore de la relation V. Bonnet
52 / Maux de tête et désir de perfection Sensations, externalisation et TLMR É. Bardot
71 / La controverse de médecine psychosomatique Entre corps et esprit, une fracture médicale et philosophique G. Ostermann
78 / Grand Entretien Jean Benjamin Stora et la psychosomatique intégrative G. Ostermann
94 / La psychosomatique, un phénomène hypnotique protecteur Sensations, émotions et PTR G. Brassine
106 / Honte et brûlures du cou Le symptôme somatique persistant M. Faucoup
120 / Ostéopathie et psychosomatique Enjeux et apports de la « double casquette ». Algoneurodystrophie et de douleurs abdominales P. Pétillot
134 / Quand la douleur devient l’identité Se relier à sa mobilité relationnelle M.-A. Jolly
146 / Trouble fonctionnel intestinal et syndrome anxiodépressif Signaux idéomoteurs et psychosomatiques S. Radoykov
152 / Asthme et créativité Les suggestions posthypnotiques de Proust P. Kivits
164 / L’hypnose thérapeutique, de quoi parle-t-on ? Un échange croisé, autour de l’hypnose thérapeutique É. Bardot, J. Betbèze et S. Roy 152 / Poême Ce corps K. Ficini
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