Cabinet Hypnose Paris

 


gregory lambretteRevue Hypnose & Thérapies Brèves 28 Gregory Lambrette

Un dialogue inhabituel. Cybernétique et émotions.

Une des avancées importantes de l’approche stratégique brève concerne la prise en compte du travail avec les émotions. Gregory Lambrette situe cette évolution dans une perspective historique, pour nous emmener loin des conceptions pionnières initiales, sans pour autant s’en couper.

Agrégateur de flux

PARIS: Formation Intégrative en EMDR - IMO 3ème session.

Agenda Hypnose Thérapie Brève - mardi 13 mai 2025 - 23:00
Formation Certifiante et validée par France EMDR IMO ®.
Formation en EMDR - IMO avec l'Intégration d'éléments d'hypnose ericksonienne, de thérapie brève orientée solution et des mouvements oculaires de type EMDR - IMO, dans le cadre du psychotraumatisme.
Formation réservée aux professionnels de santé, psychologues non formés ou initiés à l’hypnose.
Une co-Animation des Instituts Hypnotim (Laurence ADJADJ) et CHTIP * In-Dolore (Laurent GROSS).
]b
Session 3, 3 jours : approfondissement et supervision en EMDR - IMO à partir de cas cliniques
- Approfondissement et supervision à partir de cas cliniques
- Notions de psychopathologie.
- Connaître les contre-indications à la pratique de l’EMDR-IMO
- Comment évaluer cliniquement un patient afin de sécuriser à minima la pratique de ces techniques.
- Comment mener un entretien d’évaluation préalable à ces techniques.- Utiliser la thérapie EMDR - IMO au-delà du trauma et renforcer les changements.
- Acquérir une approche transversale de l’EMDR - IMO, l’approche des 4 carrés.
- Présentation orale par chaque participant d’un travail sous forme d’un cas clinique élément validant de la formation.

Formations EMDR sur ce site

https://www.formation-hypnose.com/Formation-EMDR-IMO-Therapie-Integrative-du-Psychotraumatisme-9-Jours_a239.html



Inscription sur le Catalogue de Formation de IN-DOLORE

.
7 rue Omer TALON du 14/05/2025 00h00 au 16/05/2025 23h50
https://www.formation-emdr.fr/formation_emdr_8j/

PARIS: Formation Intégrative en EMDR - IMO 3ème session.

Agenda Hypnose Thérapie Brève - mardi 13 mai 2025 - 23:00
Formation Certifiante et validée par France EMDR IMO ®.
Formation en EMDR - IMO avec l'Intégration d'éléments d'hypnose ericksonienne, de thérapie brève orientée solution et des mouvements oculaires de type EMDR - IMO, dans le cadre du psychotraumatisme.
Formation réservée aux professionnels de santé, psychologues non formés ou initiés à l’hypnose.
Une co-Animation des Instituts Hypnotim (Laurence ADJADJ) et CHTIP * In-Dolore (Laurent GROSS).
]b
Session 3, 3 jours : approfondissement et supervision en EMDR - IMO à partir de cas cliniques
- Approfondissement et supervision à partir de cas cliniques
- Notions de psychopathologie.
- Connaître les contre-indications à la pratique de l’EMDR-IMO
- Comment évaluer cliniquement un patient afin de sécuriser à minima la pratique de ces techniques.
- Comment mener un entretien d’évaluation préalable à ces techniques.- Utiliser la thérapie EMDR - IMO au-delà du trauma et renforcer les changements.
- Acquérir une approche transversale de l’EMDR - IMO, l’approche des 4 carrés.
- Présentation orale par chaque participant d’un travail sous forme d’un cas clinique élément validant de la formation.

Formations EMDR sur ce site

https://www.formation-hypnose.com/Formation-EMDR-IMO-Therapie-Integrative-du-Psychotraumatisme-9-Jours_a239.html



Inscription sur le Catalogue de Formation de IN-DOLORE

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Trouble du sommeil. Le coffre-fort à triple sécurité. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

Hypnose Thérapeutique - jeudi 24 avril 2025 - 10:54
Si beaucoup recherchent le calme et le silence, cette patiente les redoute car ils ne permettent pas de faire taire ses « pensées ». La solution passe par l’hypnose où surgit l’idée d’une boîte fermée à clé et enterrée... Delphine Le Gris pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75. CONTEXTE

Sophie est une patiente que je suis depuis plus d’un an. Son histoire de vie est ponctuée de relations insécurisantes : de ses premiers liens à sa mère puis dans deux relations de couple. La première relation avec un homme plus âgé lui a permis de quitter le domicile familial à l’âge de 18 ans. Elle aura quatre en- fants avec cet homme. Sa dernière relation dont elle aura initié la séparation au cours de sa psychothérapie ne lui aura pas non plus laissé de place suffisante en tant que sujet propre et désirant. La psychothérapie initiée ensemble a donc pour objectif de développer ce processus de subjectivation. Lors de notre dernière séance, Sophie verba- lise une fois de plus sa sensation de se sentir débordée, mais à la différence que cette fois- ci elle s’est autorisée à lancer les démarches pour bénéficier d’une VAE (validation des acquis d’expérience professionnelle).

Dans son quotidien professionnel et personnel, elle repère le même mécanisme persistant : se donner beaucoup de tâches à faire pour ne pas penser, cela s’étant majoré depuis qu’elle vit seule, depuis sa séparation. Sophie évoque spontanément son désir de trouver une solution à son problème de sommeil. Ce n’est pas le temps nécessaire à son endormisse- ment qui lui pose problème mais la qualité de celui-ci. « Je ne peux pas m’endormir sans bruit et cela abîme mon sommeil car cela me réveille un peu plus tard dans la nuit. » Elle se questionne sur l’origine de son comporte- ment qui a toujours été là, même lorsqu’elle était en couple. Elle veut creuser le sujet. Cela ne semble pas s’expliquer par un sentiment de solitude difficilement tolérable. Par l’interro- gatoire elle perçoit que s’endormir avec une voix permet de court-circuiter ses pensées. Mais lesquelles ? Il ne s’agit pas des restes diurnes mais « des pensées qui sont angoissantes passées ou présentes », celles qu’elle ne peut pas régler de son histoire.

Son désir de creuser les choses m’a alors donné l’idée de creuser un trou dans lequel elle pourrait mettre un coffre-fort qui contiendrait tout ce qui l’empêche de s’endormir dans le calme et le silence. Je lui propose l’idée, elle accepte mais non sans témoigner de son angoisse à devoir laisser venir ces choses pour les mettre dans la boîte et donc le risque de se retrouver face à elles. Venant de quitter une journée de perfectionnement où nous avons approfondi l’induction d’Elman, je trouve alors tout à fait pertinent de lui proposer. L’approfondissement de la trace et la confusion sont nécessaires pour la laisser faire ce qu’elle a à faire dans les conditions les plus sécurisantes possibles. Cet exercice du coffre- fort présente « trois sécurités » : le coffre-fort fermé à clé et enterré dans un lieu, l’enterre- ment de la clé dans un autre lieu, et la volonté de la patiente comme deuxième clé.

PROTOCOLE
-Thérapeute (pré-talk) : « Tout à l’heure, mais pas tout de suite, vous irez dans le lieu de votre choix, que vous connaissez ou bien un lieu imaginaire. Vous y verrez la boîte dans laquelle vous viendrez déposer toutes les pensées... émotions... souvenirs... symboles... mots... ou tout autre chose qui vous empêche de vous endormir sereinement. Vous verrez aussi tous les outils qui vous sont nécessaires pour creuser, que ce soit une pelle, une pioche ou bien un bulldozer, ou autre. Vous vous en approcherez, vous mettrez dans la boîte tout ce que vous avez à y mettre, sans chercher à les élaborer, sans vous attarder dessus, sans cher- cher une logique entre elles... Tout à l’heure je viendrai soulever votre bras comme ceci (je lui montre) pour vérifier son tonus. Est-ce que vous m’autorisez à vous toucher ?
- Sophie : Oui.
- Th. : Vous préférez rentrer en hypnose les yeux ouverts ou les yeux fermés ?
- Sophie : Yeux fermés.
- Th. : OK, très bien. Allez-y... Pendant que les paupières sont fermées, pendant quelques instants, une part de vous prend le temps d’observer les bruits autour vous... propres à cette pièce... ou bien extérieurs à cette pièce... Voilà... Et puis sur une grande inspiration, vous ressentez la façon dont votre corps est positionné dans ce fauteuil... confortablement, profondément bien installé. Imaginez que sur les paupières, il y a quelque chose qui va les alourdir de plus en plus... une chose de votre choix... je ne sais pas... un fil de pêche... de la colle... des volets roulants... ou tout autre chose selon votre choix. C’est vous qui déci- dez... Vous pouvez essayer d’ouvrir les yeux... et vous constaterez que cela est difficile de les ouvrir... oh, oui... comme ceci... et ce sera de plus en plus difficile de les ouvrir. Allez-y, re- fermez les yeux... ressentez cette lourdeur sur les paupières jusqu’à ce que cela devienne tota- lement impossible de les ouvrir. (Elle n’y arrive plus.) Parfait, très bien...
-Th. : ...Et puis vous ressentez que votre bras, de l’épaule jusqu’au bout des doigts, devient totalement mou... complètement mou... et lourd... vous savez, un peu comme s’il s’agissait d’un pull en laine trempé dans de l’eau chaude et qu’on essaye de soulever. (Je m’approche et soulève son bras qui retombe lourdement.) Parfait...
- Th. : ...Maintenant vous allez partir de 100 et décomptez de 3 en 3... progressivement et jusqu’à ce que cela devienne de plus en difficile... confus... et qu’il soit devenu impossible de continuer... 100... 97... 92... 89... Très bien, essayez de continuer... cela devient de plus en plus confus... impossible...
- Th. : ...Derrière les paupières fermées... vous voyez un lieu... celui que vous avez choisi... réel ou imaginaire... seule vous connaissez où se trouve ce lieu... uniquement vous... et c’est très bien ainsi... Lorsque vous y êtes, vous me faites un signe (importance du signaling à chaque étape)... OK, parfait. Vous observez la boîte, celle dans laquelle... d’ici quelques instants vous viendrez placer toutes les choses qui s’imposent à vous et auxquelles vous ne sou- haitez pas penser... surtout lorsque vous êtes sur le point de vous endormir...


1ÈRE SÉCURITÉ : LA BOÎTE FERMÉE À CLÉ ET ENTERRÉE

(La patiente pleure…

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Delphine Le Gris Psychologue clinicienne diplômée en 2013 d’un master Psychologie clinique et pathologique. Formation à l’hypnose et aux thérapies brèves au sein de l’IMHEN de Normandie en 2021-2022. Exerce en libéral depuis 2020.

Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Livres en bouche
Résumé

Prendre en compte l'interaction. L'attention portée sur les relations. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

Psychotherapie.FR - jeudi 24 avril 2025 - 10:39
En cas de blocage avec un patient, dans le cadre d’une thérapie brève, la solution peut consister à élargir la focale en s’intéressant aux interactions avec toutes les personnes impliquées. Illustration à travers quatre histoires de la force de la thérapie brève stratégique. A partir des années 1950 et 1960, les pionniers de ce qu’on appelle aujourd’hui « la thérapie brève » ont commencé à expérimenter des façons de penser et de pratiquer la thérapie qui heurtait les idées, les théories et les pratiques communément admises dans le champ clinique à leur époque. L’expression « thérapie brève » faisait alors figure d’oxymore, tant il était admis qu’une thérapie digne de ce nom se devait d’être une entreprise au long cours si elle visait un travail « en profondeur » et un changement durable... L’idée qu’un thérapeute puisse, par ses interventions, faire émerger un changement rapide et durable a mis beaucoup de temps à être acceptée au sein de notre culture, et elle n’est probablement pas encore tout à fait admise. Mais il ne s’agit, de loin, pas là de la seule transgression proposée par le modèle de Palo Alto vis-à-vis d’une pratique plus « orthodoxe » de la thérapie.

Pour n’en citer que quelques-unes, parmi les plus importantes :

• S’autoriser à travailler avec les proches du pa- tient pour l’aider à résoudre son problème .
• Renoncer à la recherche des prétendues « causes profondes » passées, enfouies ou refoulées, pour privilégier un travail sur les manifestations actuelles et observables du problème.
• Considérer que toute prétendue connaissance de soi – ou de l’autre – n’est jamais qu’une construction, qu’une autotromperie, plus ou moins utile pour la personne, et ne peut donc jamais être considérée comme « vraie » ou « fausse ».
• Ne pas considérer que la solution viendra nécessairement de la personne elle-même, et donc s’autoriser à être injonctif.
• Pratiquer la manipulation, à la manière d’Erickson, se muer en thérapeute caméléon et renoncer à l’idéal d’authenticité dans la communication.
• Considérer l’inconscient comme une ressource, comme un réservoir de possibilités, et non plus, comme l’avait fait Freud, comme le lieu pathologique de tous nos refoulements.
• Ne pas s’intéresser aux prétendues « pathologies » des patients mais à ce sur quoi l’intervenant va pouvoir s’appuyer pour faire évoluer leur situation.
• Enfin, se focaliser sur l’interaction plus que sur les individus, pris isolément, avec leurs soi-disant caractéristiques et problématiques « intrinsèques ». Et c’est sans doute surtout là la différence qui fait le plus de différence en termes de regard et de pratique thérapeutiques, comme j’aimerais l’illustrer dans cet article à travers quatre vignettes cliniques. Il sera d’abord question d’un jeune homme de 19 ans, déscolarisé, qui souffre d’anxiété et de terribles maux de ventre. Nous parlerons ensuite d’une septuagénaire qui se plaint de pensées obsessionnelles à propos de sa sœur, pensées qui nourrissent chez elle une anxiété chronique. Le troisième cas concernera un jeune de 15 ans souffrant d’obésité morbide, placé dans un foyer pour adolescents en raison de sa « toute-puissance » et de sa violence. Enfin, nous évoquerons un jeune de 12 ans, qui souffre d’angoisses de mort et d’isolement social...

PREMIÈRE VIGNETTE : MARTIN EXPRIME DE TERRIBLES MAUX DE VENTRE


Martin, 19 ans, est déscolarisé depuis plusieurs mois. Il va très mal et dit ne rien pouvoir faire en raison de terribles maux de ventre... Il est le deuxième fils d’une fratrie de quatre enfants, dont les parents traversent une séparation extrêmement difficile. Martin vit chez son père. Ce dernier, entrepreneur dans le bâtiment, s’inquiète beaucoup de l’état de son fils... Le père a emmené Martin consulter de nombreux médecins, qui sont unanimes : les douleurs dont souffre le jeune homme sont d’origine psychosomatique.

La séparation avec la mère est vraiment difficile pour Martin, mais il ne souffre clairement d’aucune « maladie ». Ses maux de ventre, son abattement, sont attribuables à des causes « émotionnelles ». Le papa essaie de pousser Martin vers un retour à l’école ou vers toute autre forme d’activité, il lui dit qu’il n’a rien, que c’est dans sa tête, qu’il doit se bouger, s’activer s’il veut aller mieux... Face à ces exhortations répétées, Martin se replie toujours plus dans sa chambre, exprime toujours plus de maux de ventre, se lève de plus en plus tard... En même temps le papa gâte beaucoup son fils, car il voit qu’il va de plus en plus mal et aussi parce qu’il culpabilise de toutes les conséquences pénibles que la séparation fait subir à Martin.

Petit à petit, Martin se mure de plus en plus dans le silence, il coupe toute communication avec son père, qui insiste maintenant, en vain, pour l’amener à consulter un thérapeute. C’est donc le papa qui finit par consulter lui-même une thérapeute, ne sachant plus comment faire pour aider son fils à sortir de cette situation délétère. Pour la thérapeute, le père est donc la seule porte d’entrée dans la situation problématique, puisque Martin, convaincu qu’il souffre d’une maladie « physique » qui n’a pas encore pu être diagnostiquée, refuse obstinément de consulter un « psy », un « hypnothérapeute », ou tout autre professionnel de la relation d’aide, et que la mère de Martin, en conflit ouvert avec le père, refuse catégoriquement de s’impliquer dans une démarche initiée par son futur ex-mari. Dans une situation de ce type, la thérapeute n’a pas d’autre option que de s’appuyer sur la relation entre le père et le fils si elle veut avoir la moindre chance d’avoir une influence sur le mal-être du jeune...

Elle examine donc les tentatives de solution du père, dans le but de modifier l’interaction en amenant le père à se repositionner différemment avec son fils. Dans l’interaction actuelle, plus le fils dit être en difficulté, plus le père minimise la « réalité » de ses troubles, le pousse et l’exhorte, et plus en réaction le fils va mal et s’éloigne de son père, etc. Le comportement de l’un déclenchant le comportement de l’autre, dans un processus de rétroaction par feedback positif qui maintient le problème. La thérapeute commence donc par essayer d’amener le père à arrêter de minimiser la souffrance de son fils.
« Vous êtes rassuré, lui dit-elle, sur le fait que sur le plan médical il n’y a rien, mais quand on dit à Martin qu’il n’a rien, ça le rend plus anxieux, car lui a la perception qu’il a quelque chose. Du coup, il ne peut plus vous parler, il ne se sent pas compris, et il se renferme de plus en plus... » Elle invite donc le père à tenir à son fils le discours suivant : « Les médecins n’ont pas trouvé ce qui ne va pas chez toi, mais moi je vois que tu souffres énormément et que tu n’es pas capable de faire plus pour le moment... »

Elle l’invite également à arrêter de solliciter Martin « pour son bien », mais de plutôt commencer à lui demander de l’aide pour lui-même : « Je sais que tu ne vas pas bien et je n’ose pas te le demander... mais est-ce que tu pourrais aller chercher ta sœur après son cours d’arts martiaux ? » Et Martin va chercher sa petite sœur... « Je ne sais pas comment tu vas aujourd’hui, mais j’ai un super problème au travail... J’imagine que tu ne pourras probablement pas le faire, mais je te demande au cas où... » Martin commence alors à se tester et à faire de plus en plus de choses. Il commence peu à peu à travailler avec son père et finit par rénover un appartement avec lui. Les maux de ventre ont progressivement disparu, alors que la relation entre père et fils, au départ très complémentaire, évoluait vers davantage de symétrie. Au lieu de lui donner beaucoup, en position haute, tandis que son fils, intimidé, recevait en position basse, le père a commencé à moins « gâter » Martin et a continué à lui demander de l’aide : « Je ne peux pas te donner une voiture, par contre ton grand-père a une vieille voiture qu’il faudrait aller chercher et réparer... Et j’aurais peut-être un studio dans lequel tu pourrais t’installer, mais il y a tant de travaux à y faire et je n’y arriverai pas seul... »

Dans cette situation où Martin n’était pas un candidat pour l’hypnose médicale, la thérapie brève, cette approche de « thérapie indirecte » a été extrêmement utile, et a permis au père de ne plus voir son fils à la dérive et au jeune de commencer à affronter les choses et à gagner en confiance.

DEUXIÈME VIGNETTE : NICOLE ET SA « MAUDITE » SŒUR QUI A ENVAHI SA VIE


Passons maintenant à Nicole, septuagénaire, qui a, depuis l’enfance, toujours été extrêmement jalouse de sa sœur adoptive, qui lui a, explique-t-elle, « volé ses parents ».

Depuis qu’elle est devenue mère, Nicole a aussi eu le sentiment que sa sœur lui volait une part importante de l’amour de sa propre fille, et récemment, depuis que cette dernière est enceinte, Nicole vit dans l’angoisse permanente que sa sœur lui vole bientôt l’amour de sa petite-fille. Elle ne pense en permanence qu’à sa maudite sœur, elle se dit obsédée par elle ! Furieuse, elle nous parle d’une photo de mariage, qui trône dans le salon de sa fille, sur laquelle sa sœur figure en bonne place à côté des mariés, alors qu’elle – qui est quand même la mère de la mariée – se situe en périphérie, et est littéralement « coupée en deux » en marge de la photo. Nicole nous explique qu’elle n’a de cesse d’essayer de limiter l’influence de sa sœur sur sa fille, en cherchant, dans la mesure du possible, à l’éloigner physiquement, mais pour son malheur sa fille adorée a développé une relation très complice avec sa tante, avec qui elle passe volontiers une soirée autour d’une bonne bouteille de vin...

Nicole essaie également de faire comprendre à ses proches à quel point sa sœur est une mauvaise personne et à quel point elle l’a fait souffrir tout au long de sa vie... Son mari la comprend et lui dit partager son avis, mais Nicole nous explique que plus elle cherche à éloigner sa sœur de sa fille, et plus elles semblent devenir complices ; plus elle cherche à expliquer à sa fille à quel point cette femme est foncièrement mauvaise et dangereuse, et plus sa fille prend la défense de sa tante. Dans cette situation problématique complexe, qui implique plusieurs interactions entremêlées, la thérapie brève stratégique est, là encore, un modèle intéressant, car elle permet de réduire la complexité à travers une grille de résolution de problèmes rigoureuse : qui est demandeur d’aide ? Nicole. Quelle est sa plainte ? « Ma sœur a complètement envahi ma vie ! »

Que fait-elle pour essayer de lutter contre cette situation ? Elle essaie de mettre en œuvre des stratégies pour réduire son influence sur sa famille et elle en parle en permanence avec ses proches. C’est donc sur ces tentatives de solution que l’équipe thérapeutique focalisa ses interventions. Lors des premiers entretiens, nous avons commencé par amener Nicole à moins parler de sa sœur avec son mari, en lui faisant remarquer : « Si nous comprenons bien, déjà que votre sœur, cette sorte de “coucou”, vous gâche énormément la vie... à chaque fois que vous en parlez à votre mari, c’est un peu comme si vous l’invitiez dans votre salon, voire même dans la chambre à coucher... » Nous sommes aussi parvenus à l’amener progressivement à percevoir le côté contre-productif de trop chercher à décrédibiliser sa sœur aux yeux de sa fille, car « cela revient à prendre le risque de passer pour une femme aigrie, jalouse et mesquine, et à faire passer votre sœur pour une victime innocente de votre vindicte ».

Après quelques séances, Nicole nous présente une situation typique du type de problèmes qu’elle rencontre avec sa « maudite » sœur : suite à un concours de circonstances, elle a été amenée à organiser, chez elle, un repas de famille auquel sont conviés, notamment, sa fille et son conjoint, ainsi que sa redoutable sœur. Depuis qu’elle sait que ce repas va se dérouler chez elle, elle n’en dort plus la nuit, car elle craint que sa sœur n’en profite, une fois de plus, pour « prendre toute la place », pour se mettre en avant et pour lui gâcher cette fête de famille dont elle se réjouissait tant... Nicole essaie d’échafauder divers plans pour limiter la capacité de nuisance de sa sœur, et essayer d’éviter notamment, tant que faire se peut, qu’elle ne se retrouve assise à côté de sa fille... Sentant à quel point cette réunion de famille vient raviver la souffrance de Nicole, nous la voyons aussi comme une opportunité qui pourrait lui permettre de se positionner différemment, vis-à-vis de sa sœur, pour la première fois en plusieurs décennies, et per- mettre ainsi à cette relation de commencer à se transformer.

Mais un tel repositionnement nécessiterait une attitude tellement à l’opposé de ce qu’envisage à ce stade Nicole, que nous avons dû l’amener avec beaucoup de précautions.

Voilà comment nous avons procédé : « Nous comprenons bien que cette perspective d’ac- cueillir votre sœur, ce coucou, chez vous pour cette réunion de famille vous préoccupe énormément et que vous vous demandez comment vous positionner... Nous aurions bien quelque chose à vous proposer, qui pourrait vous per- mettre de reprendre le contrôle de la situation, et de ne plus être le jouet de votre sœur... mais nous pensons que c’est encore trop tôt, que vous n’êtes pas encore prête, et que si nous vous le proposions, vous nous diriez : “Alors là non, tout sauf ça !”. »

Cette entrée en matière en forme de défi et de freinage, visant à mobiliser la patiente, produisit l’effet escompté chez Nicole, qui nous somma avec insistance de lui dire, tout de suite, ce qu’elle devait faire. Nous lui avons alors proposé de se comporter, elle, en souveraine clémente et généreuse lors du repas, et de réserver à sa sœur la place de choix, au centre de la table, à côté de sa fille, plutôt que de chercher à la reléguer dans un coin. « Ainsi, vous montrerez à tous que vous n’êtes pas cette femme jalouse et mesquine mais bien celle qui maîtrise la situation et vous pourrez regarder votre ennemie en face, avec un grand sourire. » Nicole suivit notre conseil, et revint à la séance suivante ravie de la façon dont s’était passée cette soirée, au cours de laquelle, nous dit-elle, sa sœur s’était comportée très agréablement et avait su, pour une fois, « rester à sa place »...

Ce fut une phase décisive pour l’évolution de cette situation relationnelle rigidifiée depuis plus de cinquante ans ! Là encore, c’est en s’intéressant aux interactions avec toutes les personnes impliquées dans la problématique que les thérapeutes purent amener Nicole à se sortir progressive- ment sa sœur de la tête.

TROISIÈME VIGNETTE : CHRIS SANS LIMITES DANS SON SENTIMENT DE « TOUTE-PUISSANCE »

La situation suivante s’inscrit dans le cadre de la supervision d’une équipe éducative au sein d’un foyer pour adolescents. Chris, un jeune de 15 ans souffrant d’obésité morbide, a été...

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Guillaume Delannoy Directeur adjoint de l’Institut Gregory Bateson (IGB) et président de l’Association vaudoise d’intervention et de thérapie systémique (AVDITS). Enseigne la thérapie brève et l’hypnose à des professionnels de la relation d’aide dans le cadre des formations de l’IGB ainsi qu’en tant que chargé de cours dans plusieurs universités en France, en Suisse et en Belgique. Responsable du centre de thérapie brève de l’IGB à Lausanne, il intervient dans l’accompagnement de personnes et d’équipes en difficultés dans leur contexte professionnel et supervise plusieurs équipes socio-éducatives en Suisse romande et en France. Auteur et coauteur de plus d’une vingtaine d’articles sur la thérapie brève de Palo Alto.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Livres en bouche
Résumé

Le souffle de la guérison au Népal. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

Psychotherapie.FR - jeudi 24 avril 2025 - 10:38
Deux anthropologues nous content les pratiques chamaniques qui avaient lieu, il y a encore quelques années, au sein de différentes ethnies du Népal. Dans la communauté Tamang, vivant dans le nord-est du pays, les bampos, ceux « qui détiennent le savoir », pratiquent des rituels de guérison. Voyageant dans le monde de l’Invisible, secondés par leurs ancêtres, ces chamans interviennent auprès des dieux, pourvoyeurs ou guérisseurs de maladies, ou auprès des démons et entités maléfiques, responsables de troubles graves voire voleurs d’âmes. Appelé auprès d’une personne souffrante, le bampo accomplit immédiatement les gestes appris de ses maîtres passés. Une fois le diagnostic posé grâce à une prise de pouls décisive, le chaman récite ses mantras, des formules secrètes, magiques, inintelligibles au commun des hommes, et les accompagne d’un souffle long et appuyé, dirigé sur la région malade de la personne. Il effectue ce souffle guérisseur par cinq fois, la dernière de façon plus prononcée et doublée d’un geste « magique » sur la partie souffrante, mimant le fait d’en extirper le mal. Le chaman transmet par son souffle, par les sons et mots qu’il émet, le pouvoir guéris- seur des dieux.

Au terme de ces cinq souffles, le trouble est chassé, l’ordre est rétabli. Ainsi en est-il pour des pathologies « bénignes », douleurs, cauchemars violents récurrents... Le bampo applique, si nécessaire, un onguent végétal sur une plaie, des cendres sur une région douloureuse, ou passe sur le corps des plumes d’oiseau au pouvoir purificateur. Il faut parfois répéter ce rituel sous une forme plus dramatique et de nuit, le chaman alors déployant, de surcroît, des chants au rythme tenace tout en enveloppant le patient de fumée d’encens. On voit poindre, dans cette cérémonie réalisée dans l’obscurité du soir, des éléments hypnagogiques dépassant la simple pratique suggestive des premiers soins.

Dans les pathologies sévères, diabète, troubles neurologiques, douleurs chroniques... relevant de l’action d’entités malveillantes, le bompo doit organiser des séances destinées à combattre ou repousser les démons du monde de l’Invisible, à ramener l’âme du patient dérobée par ces derniers. Les prépara- tifs de cette cérémonie nocturne demeurent discrets ; seuls les tambours avertissent les villageois que famille, parents et amis sont rassemblés autour d’une personne malade, et qu’un rituel de guérison débute et durera jusqu’au matin. Nombreux viennent assister à cet événement, assister au sens réel du terme car chacun, adulte ou enfant, participe à sa manière au bon déroulement de la séance, en interaction avec le rituel.

Celui-ci, quels que soient chamans et pathologies concernés, comporte des invariants constitutifs d’un récit, métaphore de la guérison, qui est mis en acte et dont les moments thérapeutiques sont aisément reconnaissables. On installe le patient au centre de la pièce, assis sur une natte à même le sol, la tête recouverte d’un linge ; le chaman s’assoit à ses côtés. Devant eux par terre, un « autel » est édifié sur lequel sont posés divers objets rituéliques ainsi que des statuettes modelées, effigies des démons à combattre ; des diagrammes, représentations cosmiques, sont tracés avec des poudres colorées. L’espace thérapeutique est délimité. Le bampo porte en bandoulière sur l’une et l’autre épaule deux grosses lanières garnies de grelots et cloches, croisées sur son buste, un collier de grosses graines, un chapelet de cent huit perles. Il frappe maintenant son tambour à deux faces à l’aide d’une baguette en fer recourbée ; accompagné de ses assistants, il chante. Bientôt son corps, ses genoux se mettent à trembler.

Secoué de soubresauts, sa respiration haletante, il joue alors seul, de plus en plus fort, de plus en plus vite, prononçant des onomatopées scandées. Il est en transe. Cloches et grelots de ses lanières sonnent fort, ils disent que le chaman est en contact avec son ancêtre tutélaire. Possédé et guidé par celui-ci, le bampo est alors en mesure de mener le processus de guérison ; il peut voyager dans le pays de l’Invisible, négocier avec les esprits, combattre et éloi- gner les démons, rapporter l’âme volée. Afin d’attirer et concentrer les Forces protectrices de l’Autre Monde, il danse autour du patient et de l’autel, dessine avec son tambour des cercles au-dessus de la tête du sujet puis effectue, à l’extérieur de la maison, des danses spectaculaires. Puis le bompo réalise enfin le rituel du souffle déjà cité, accompagné de fumigations d’encens et de chants. Le chaman trace ensuite sur le sol...

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Dr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND Médecin-psychothérapeute depuis 1991, hypnothérapeute, thérapeute systémique de famille et de couple, à Paris en libéral. Formatrice, elle reçoit des professionnels en supervision. Formée à l’Institut Milton Erickson de Paris et par Mony Elkaïm, sa pratique clinique s’inspire de la pensée de François Roustang. Membre de la Société française de Thérapie familiale. Anthropologue des religions et diplômée de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
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Forum Psychotherapie.Fr - jeudi 24 avril 2025 - 08:38
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Fernando

Douleur Chronique, un message adressé. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

Formation Hypnose Medicale - mercredi 23 avril 2025 - 16:53
Toute douleur qui s’exprime a besoin d’être accueillie, considérée, reconnue. A fortiori si celle-ci est chronique et racontée lors d’un accompagnement en hypnose. Ecouter et favoriser le message de la « personne douloureuse » contribuent à donner du sens au chemin thérapeutique partagé. La douleur d’une personne est « un fait anthropologique et non pas seulement un accident biomédical » (1). C’est l’expérience subjective d’un homme vivant parmi les autres hommes. Cette expérience, liée à sa culture, à son histoire, aux circonstances et aux enjeux, altère la personne ; laquelle se trouve alors changée et dégradée. « (...) j’étais changé » (2), écrivait André Gide. La douleur s’impose sans pouvoir être repoussée, refoulée. « L’émergence de la douleur est une me- nace redoutable pour le sentiment d’identité » (3). Lorsque cette expérience devient intense, la douleur « retire (l’homme) du monde », selon les termes de Hannah Arendt (4) ; jusqu’à parfois laisser percevoir l’ombre portée de la mort.

Comme pour Georges Canguilhem, « il nous paraît tout à fait important qu’un médecin proclame que l’homme fait sa douleur comme il fait une maladie ou un deuil – bien plutôt qu’il ne la reçoit, ou ne la subit » (5). Méfions-nous de tenter d’objectiver la douleur avec pour projet de la mesurer, de la discerner pour tenter de la maîtriser : illusion scientifique réductrice et déshumanisante. Nous ne rencontrons jamais une douleur mais toujours une personne douloureuse. Ne confondons pas un symptôme avec l’expérience singulière d’une personne riche de son histoire et de sa culture.


« Expérience intime et incommunicable » (6), la douleur est pour autant indéniable même lorsqu’elle est dite chronique, vécue depuis plus de six mois, et inexplicable objective- ment. Cette douleur dite chronique, ou plus exactement cette personne douloureuse de- puis plus de six mois, changée et dégradée, se plaint à une autre personne, c’est une adresse à autrui, un message adressé... Comment accueillir ce message ? Comment en rechercher le sens ?

COMMENT ACCUEILLIR CE MESSAGE ?

Nous devons accueillir ce message adressé, ce que la personne douloureuse raconte de son histoire et de son vécu : ce qu’elle dit et ce qu’elle montre. Cette narration est primordiale, première, signifiante et médiatrice.

Primordiale car elle est constitutive de la nature humaine. Sans cette possibilité de raconter et de se raconter, l’homme serait pauvre en relation alors qu’il est constitutionnellement un être de relation. Nous rencontrons toujours une autre personne « au travers » d’innombrables interactions subjectives réciproques, singulières pour chacun ; rencontre imprévisible et modelée par les enjeux et les circonstances.

Première car toute personne, sujet agissant et souffrant, ne raconte pas seulement ce qu’elle expérimente – quoi ? – et la raison pour laquelle elle le raconte – pourquoi ? –, elle se raconte elle-même, elle fait part de son identité par la narration ; c’est l’identité narrative décrite par Paul Ricoeur (7). C’est-à-dire que la personne se désigne elle-même non pas seulement par qui suis-je ? mais aussi par que suis-je ? C’est pourquoi il ne s’agit pas seulement d’écouter, mais aussi et sur- tout d’accueillir cette narration au sens d’être présent, disponible, attentif et intéressé.

Signifiante car, radicalement subjective par nature, vive, vivante, la narration fait advenir un sens ; certes non sans parfois des difficultés et des incertitudes quant à la mise en œuvre de cette narration. Celle-ci permet de transformer les forces de la vie intime en leur donnant une sorte de réalité, une certaine apparence, un sens. La narration permet d’éclairer « ce symptôme (douleur) par le discours de ce patient et ne plus lire à travers la grille scientifique qui réduit chaque corps à un corps anonyme » (8). Toute maladie et toute douleur représentent aussi un phénomène socioculturel signifiant qui pourra se dévoiler au travers de la narration.

Médiatrice car la narration trouve ici un rôle majeur pour permettre à la personne douloureuse de cheminer en éclairant une autre personne qui lui offre une disponibilité d’accueil et l’écoute : une médiation interhumaine bénéfique et féconde ; une algologie narrative. En s’appuyant sur son imagination, ses représentations, sa culture et ses expériences douloureuses antérieures, la personne tente toujours de dire quelque chose de ce qu’elle éprouve. Encouragée et soutenue, la narration devient médiatrice en ouvrant la possibilité à l’informe de progressivement prendre une forme singulière ; en cela elle porte un potentiel de liberté (9).

EN PRATIQUE

• S’arrêter : arrêter toute activité en cours pour accueillir celui qui vient à nous.
• Ecouter : ne pas l’interroger mais se taire pour lui permettre de déployer sa narration. Ne pas rassurer, ni interpréter, ni conseiller : écouter !
• S’intéresser à ce que la personne raconte en manifestant notre intérêt.
• Repérer prudemment dans cette narration ce qui pourrait éclairer le sens de ce message adressé.

COMMENT EN RECHERCHER LE SENS ?

Pour permettre que la rencontre de la personne douloureuse chronique soit bénéfique et apaisante, nous devons lui permettre de rechercher le sens du message indicible qu’elle adresse à autrui sous la forme de douleurs chroniques.

Pour lire la suite...

NOTES
1. Simonnet G., Laurent B., Le Breton D., « L’Homme douloureux », Odile Jacob, 2018, p. 9.
2. Gide A., « L’immoraliste », Mercure de France, « Folio », 1902, p. 60.
3. Le Breton D., « Anthropologie de la douleur », Métailié, 1995, p. 25.
4. Arendt H., « Condition de l’homme moderne », Calmann-Levy, « Pocket », 1983, p. 91.
5. Canguilhem G., « Le normal et le pathologique », op. cit., p. 56.
6. Illich I., « Némésis médicale. L’expropriation de la santé », Fayard, 2003, p. 238.
7. Ricoeur P., « Approches de la personne », Revue « Esprit », mars-avril 1990, pp. 115-130.
8. Raimbault G., « Clinique du réel, la psychanalyse et les frontières du médical », Seuil, 1982, p. 27.
9. Reynier G., « Le hors-temps de la douleur chronique », Revue « Topique », 2010, n° 112, p. 99-117.
10. Husserl E., « Sur l’intersubjectivité », op. cit., tome II, p. 323.
11. Màrai S., « La sœur », Albin Michel, 2011, p. 221.
Pr Gérard OSTERMANN Professeur de thérapeutique, médecine interne, psychothérapeute. Administrateur de la Société française d’alcoologie, responsable du diplôme d’université de Pathologie de l’oralité, Bordeaux 2.
Dr Charles JOUSSELLIN Médecin et philosophe, chef de service de soins palliatifs, CHU Bichat - Paris (France),
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

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Palo Alto, le traumatisme et la PTR.

Articles EMDR - IMO - mercredi 23 avril 2025 - 15:46
Mieux comprendre le SSPT (ou PSTD Syndrome de Stress Post-Traumatique) grâce aux tentatives de solution. Pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75. J’ai eu la chance de passer une année entière (1983-1984) au Mental Research Institute de Palo Alto avec « les trois grands » : John Weakland, Paul Watzlawick et Richard Fisch, et de m’imprégner de la rigueur et de la précision de leur modèle de travail grâce à leurs enseignements. J’ai profité de ce séjour pour me former aussi à l’hypnose ericksonienne auprès de différents formateurs et praticiens dans la région de San Francisco et en Arizona.

Peu après, en 1985, j’ai rencontré Madame Kay Thompson, amie de Milton Erickson et collaboratrice de celui-ci durant trente ans. (Elle reçut de lui en plus de son enseignement la direction de l’« American Journal of Clini- cal Hypnosis ».) Cette rencontre bouleversera ma pratique de l’hypnose.
Kay Thompson m’apprit comment travailler avec un patient qui est en hypnose et est in- vité à parler, réagir et travailler activement sur son système nerveux autonome...

Jusque- là, fidèle aux enseignements de la Milton H. Erickson Foundation, j’avais appris à débiter des métaphores aux suggestions indirectes à un patient muet et inactif. Pour la première fois avec Kay Thompson, je pus expérimenter une hypnose conversationnelle au sens premier du terme, durant laquelle un échange verbal permanent avait lieu, où elle m’invitait à agir sur mon système nerveux autonome, mes émotions et sensations corporelles. Depuis cette époque, je considère cette manière de faire comme un prérequis indispensable pour effectuer un travail protecteur, particulièrement sur des souffrances énormes comme celles rencontrées dans les traumas.

Si dès ses débuts ma pratique de l’hypnose s’associait déjà avec bonheur à la thérapie brève, lorsqu’il était question de soigner des patients atteints de Syndrome de stress post-traumatique (SSPT), j’étais franchement démuni. Avec l’arrivée de l’EMDR, ma pratique a nettement progressé et l’affinement des traitements des SSPT m’a passionné. Au fil du temps, lors de cas sévères traités par l’EMDR, j’ai observé que parfois de trop grandes explosions émotionnelles avaient lieu, que certains des aspects du traitement n’avaient pas abouti et, plus grave encore, que des déplacements psychosomatiques avaient lieu. C’était en tant que « protections »... mais cela je ne le comprenais pas encore.

Le développement de ce qui allait devenir la Psychothérapie du trauma réassociative (PTR) (2) découle de la mise en parallèle de la notion de « tentative de solution », concept central pour Palo Alto, et des phénomènes hypnotiques dissociatifs involontaires créés qui apparaissent lors du choc traumatique. Ceux-ci sont à la base de la formation du Syndrome de stress post-traumatique.

PHÉNOMÈNES HYPNOTIQUES ET TRAUMA.
Une bonne solution (souvent incomprise)... qui vire au cauchemar !

Lors d’incidents traumatiques, des phénomènes hypnotiques dissociatifs s’abattent subitement sur la personne pour la protéger en lui permettant une mise à distance émotionnelle. C’est pourquoi en PTR nous parlons alors de protections dissociatives. La victime sera éventuellement pétrifiée (catalepsie), anesthésiée (« je n’ai rien senti »), dissociée (« j’étais comme collée au plafond... »), dépersonnalisée (« ... et me regardais en bas, comme si j’étais quelqu’un d’autre... »), et « je n’avais aucun sentiment (anesthésie émotionnelle), quand il a sorti une arme, je me suis sentie comme morte ». « J’ai oublié tout cela jusqu’à il y a quelques années (amnésie), et j’ai développé une polyarthrite rhumatoïde » (psychosomatique (3) qui transforme les émotions, la terreur par exemple, en douleur physique), etc.

Dans la suite de la vie du patient, les phénomènes sont là en permanence à bas bruit et dès qu’une stimulation interne ou externe réactive le trauma, toutes les protections dissociatives se réveillent. Elles s’intensifient. Tout ce qui était protection à l’origine est souvent vécu par le patient comme autant de symptômes invalidants, intempestifs et incontrôlables. L’inconscient continue de tenter de le protéger... mais avec une artillerie lourde qui n’a maintenant plus raison d’être. Par exemple, la personne abusée dans son enfance peut subitement se retrouver anesthésiée physiquement, sortir de son corps et se regarder d’en haut comme si elle était quelqu’un d’autre, et éventuellement n’avoir aucune émotion.

De même, pour le thérapeute qui ne serait pas initié à la PTR, l’apparition de ces phénomènes hypnotiques – que nous avons appelés protections dissociatives (recadrage ou réalité ?) pour en souligner la fonction positive – peut apparaître comme un frein, une résistance : la personne ne ressent rien ou ne se rappelle pas, elle plonge dans le mutisme ou... On peut alors parler ici de tentatives de solution – au sens de Palo Alto – hypnotiques, donc ici involontaires et inconscientes.

Si, comme suggéré par Milton H. Erickson, on s’associe, on intensifie ce qui apparaît comme une résistance... il n’y a plus de résistance ! C’est ce que nous faisons en PTR, paradoxalement et contre-intuitivement, en demandant au patient d’augmenter (dans un premier temps) ces phénomènes hypnotiques dissociatifs, souvent inquiétants, voire effrayants, pour qu’il se rende maître de ce qu’il subissait jusque-là...
Ce premier « cadeau » (la maîtrise) est suivi d’un deuxième : les phénomènes hypnotiques une fois augmentés volontairement retrouvent vite leur fonction originelle protectrice.

Le deuxième « cadeau » (l’anesthésie) :

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Gérald Brassine Psychothérapeute, formateur en hypnose et thérapie brève. Fon-dateur de l’Institut Milton H. Erickson de Belgique (1984) et de celui du Nord de la France.
Formations décisives auprès de P. Watzlawick, J. Weakland, R. Fisch, N. Cummings et Kay Thompson. Créateur de l’Hypnose conversationnelle stratégique-PTR. Auteur de : Faut-il parler de ça aux enfants ? Prévenir, détecter et gérer les abus sexuels subis par les enfants ; La vengeance du Jaguar ; Pour une intervention écologique dans le cadre de l’inceste ; Viols et agressions sexuelles avec usage de stupéfiants.
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Les interactions pour favoriser un changement.

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
Livres en bouche
Résumé

La présence. Dr Adrian CHABOCHE pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75.

Hypnose Therapie Breve - mercredi 23 avril 2025 - 13:04
« Si la mécanique quantique ne vous a pas encore profondément choqué, alors vous ne l’avez pas encore comprise. Tout ce que nous appelons réel est fait de choses qui ne peuvent pas être considérées comme étant réelles. Si une idée ne semble pas bizarre, il n’y a rien à espérer d’elle. » Niels Bohr, prix Nobel de physique 1922

Chères lectrices, chers lecteurs, Je vais vous parler d’une expérience hypnotique avec une patiente qui fait partie de celles qu’on aimerait raconter, ou plutôt même conter, à côté d’une cheminée dans une ambiance feutrée, en présence de personnes tout à la fois très rationnelles mais prêtes à être surprises des effets étonnants que peut avoir l’hypnose. Celle qui nous sur- prend toujours davantage, surtout lorsque nous laissons apparaître dans l’entrebâille- ment de nos techniques et expériences qui se cumulent toujours de trop, l’ineffable surprise d’un instantané qui rend compte à quel point l’hypnose se doit d’être régénérée... parfois autant pour le praticien que le patient ! Là ou nos patients nous bousculent, le praticien progresse... Car comme vous l’avez éprouvé, comme tous, et comme le disait avec humour Milton Erickson, lorsque nous tentons de copier, de faire comme certaines techniques qu’utilisent les autres, c’est souvent... un désastre !

Mais vous savez aussi tout autant que moi à quel point notre savoir, celui qui englobe tout à la fois toute notre technique, celle que nous avons apprise, celle que nous avons acquise au cours de notre expérience, et puis aussi ne jamais négliger cet autre Savoir, qui est le savoir-être, cette capacité que nous avons d’accueillir l’autre avec un grand A. Tout ce savoir finalement est un ensemble dynamique, vivant, qui respire tel un inspire et un expire, nous passons notre temps à nous inspirer des autres, certes, et aussi à expirer. Ce que nous oublions trop souvent lorsque nous sommes jeunes (ndlr, donc jusque environ 80 ans) : il nous faut régulièrement nous rappeler de devoir... oublier ! Oui, se rappeler d’oublier, pour évacuer, lâcher nos connais- sances trop doctes, trop certaines, souvent rassurantes, mais qui à un moment ne respirent plus.

L’inventivité et la spontanéité de l’hypnose viennent lorsque le vide s’installe. Lorsque de nos musiques intérieures avec ces phrases pleines de jolies suggestions que nous apprenons à répéter jusqu’à atteindre la sonorité la plus juste, le silence puisse s’installer entre deux notes de musique pour que l’oreille puisse alors entendre de nouveau. Ce que nous savons de trop, nous l’exécutons par mécanique : nos neurones sont si bien connectés que cela devient un réflexe. Les réflexes sont ce qui nous permet de gagner du temps, de l’énergie aussi, mais les réflexes ont plus à voir avec la survie qu’avec l’inventivité... Alors, parfois, ne vous sentez pas seul dans votre fauteuil de travail, confortable, bien installé, parfois même un peu tassé, engourdi, engoncé dans nos connaissances, à tourner le dos à cette petite crainte qui survient à la pointe de l’épigastre, en bas du sternum. Celle qui fait un peu peur, qui est inconfortable, qui nous indique qu’à ce moment nous ne savons plus trop quoi faire avec ce patient assis(e) en face de nous. Vous l’avez déjà vécu, n’ayez pas loin à chercher dans votre mémoire. Mais si cela vous semble lointain, alors je vous encourage vraiment à vous rappeler d’oublier, expirer vos connaissances, et revenez au point de départ : celui où on ne sait pas.

Nous en parlons que trop rarement ! Ce moment de « manque d’inspiration », où « ça n’accroche pas », comme on dit, ou plein d’idées nous viennent mais pas les bonnes. On sent que la note n’est pas juste, que la musique que nous pourrions jouer d’un réflexe serait celle justement qui ne serait plus spontanée ni nouvelle, mais déjà utilisée, déjà usitée, et beaucoup périmée finalement. Reconnaissez-vous et acceptez, car cela nous fait un lit commun. Ces moments ne sont pas des plus agréables et, nécessairement, nous cherchons par toute bonne stratégie d’adap- tation à les éviter. Evidemment, nous ne nous pouvons pas non plus passer notre temps et nos journées à nous réinventer. De nos lignes droites mentales, faites de certitudes, il faut aussi savoir provoquer des carrefours interrogateurs afin de nous rencontrer à nouveau.

Alors il y a Madeleine, assise devant moi. Ce n’est pas toujours habituel de recevoir des personnes qui vont vers le double de notre propre âge. Et puis Madeleine, elle est si surprenante dans son accoutrement fait de couleurs vives et d’un nœud enfantin dans les cheveux, d’un maquillage un peu trop ostensible, sa façon de me dire à quel point les psychologues n’ont vraiment rien compris à la question de l’inconscient, elle surprend, fascine, et agace tout en même temps. Peut-être est-ce par ce tout que je ne sais pas trop quoi faire. Pourtant Madeleine, elle a tous ces symptômes qui devraient me faire réagir, m’inspirer, me guider vers telle ou telle tech- nique : elle me décrit ses troubles du com- portement alimentaire, aussi anciens que son sentiment de tourner en rond avec depuis des dizaines d’années, elle me laisse apercevoir, dans l’entrebâillement subtil de sa narration et de ses curieuses provocations, tantôt des troubles de l’alcool, ici des vomissements forcés, là quelques autres traumatismes, peut-être des agressions sexuelles...

Pourtant, rien n’y fait. Je n’accroche pas, je ne sais pas. Je le sais, et le mets bien dans ma conscience, tout au devant...


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Dr Adrian CHABOCHE Spécialiste en médecine générale et globale au Centre Vitruve. Il est praticien attaché au Centre de traitement de la douleur CHU Ambroise-Paré. Il enseigne au sein du DU Hypnoanalgésie et utilisation de techniques non pharmacologiques dans le traitement de la douleur, Université de Versailles.
Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°75 version Papier N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
Stefano Colombo et Muhuc : Voyage
Psychotrauma, PTR, EMDR
Sylvie Le Pelletier-Beaufond : Le souffle de la guérison au Népal
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Résumé

Travailler sur les interactions pour favoriser un changement.

Hypnose Therapie Breve - mercredi 23 avril 2025 - 12:55
Editorial Dr Julien BETBEZE pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 75. N°75 : Nov. / Déc. 2024 / Janv.  2025

Les interactions pour favoriser un changement

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°75 :

Si l’hypnose ericksonienne est une hypnose relationnelle, cela implique que le lieu d’habitation du corps soit la relation. Ainsi, lorsque la relation est vivante, le sujet vit une expérience corporelle où spontanément il accueille ses ressentis sensoriels, est en capacité de prendre des initiatives. En ce sens, le travail sur les interactions est primordial pour favoriser un changement.

Guillaume Delannoy, dans un article très pédagogique, nous montre à partir de quatre situations cliniques – douleur psychosomatique, jalousie entre sœurs, obésité morbide, angoisse de mort et tics nerveux – comment la modification des interactions permet l’activation des processus de réassociation. L’auteur, avec la participation de Vania Torres-Lacaze, souligne l’importance du travail de co-thérapie pour rendre possible le changement.

Delphine Le Gris nous raconte l’histoire de Sophie dont la vie est parcourue de relations insécures et qui cherche une solution à son problème d’insomnie. Elle nous décrit une séance d’hypnose avec un coffre-fort fermé à clé qui va lui permettre d’y enfermer ses ruminations et de retrouver un sentiment de protection.

L’importance de l’humour est au centre du texte de Solen Chezalviel, dont la créativité ouvre une petite lumière dans un monde empli de noirceur.

David Vergriete, avec sa grande expérience de prise en charge des addictions, évoque, à travers le cas de Guillaume souffrant d’alcoolisme chronique, l’importance de la qualité relationnelle et la nécessité d’interroger la question du sens et de la trajectoire existentielle.

Introduction Espace Douleur Douceur.

Dans l’espace ''Douleur Douceur'', Fabrice Lakdja et Gérard Ostermann nous parlent de la remédiation antalgique. Le retraitement de la douleur vise à réattribuer la douleur à des voies cérébrales réversibles et non dangereuses et à considérer la douleur comme une fausse alarme et non comme la signature de lésions tissulaires.

Maryne Durieupeyroux nous emmène à la rencontre de Pablo, jeune homme pris en charge en soins palliatifs pour des métastases multiples. Elle utilise le ''gant magique'' et évalue les réactions du patient au fur et à mesure de son travail.

Charles Joussellin et Gérard Ostermann : Accueillir, écouter et favoriser un effort de narration doivent être au centre de nos prises en charge. La question du sens, de l’anthropologie, sont indispensables à nos métiers de thérapeutes.

A partir d’un atelier avec Roxanna Erickson-Klein, Evelyne Josse montre l’importance des métaphores pour focaliser l’attention du patient et remettre la vie des sujets en mouvement. Roxanna utilise la métaphore de l’embarquement à bord d’un train pendant qu’Evelyne se laisse bercer par les mots et, dans cet état de transe, développe sa créativité. Les métaphores nous incitent ainsi à reconsidérer, réélaborer et réévaluer nos expériences en ouvrant de nouvelles possibilités pour redevenir auteurs de nos vies.

Jean-Marc Benhaiem nous décrit la manière dont il comprend la logique de l’intervention en hypnose. Il nous parle des trois modes d’être : mental, sensoriel et confusionnel. Le déséquilibre entre ces modes s’installe au sein des relations dysfonctionnelles, lorsque le sujet, pour se défendre, privilégie un mode au détriment des deux autres. A travers plusieurs situations cliniques, il fait le lien entre l’excès du mental et le contrôle excessif. Pour le thérapeute, il s’agit d’aider le patient à passer de la rigidité à la fluidité, en retrouvant un corps présent.

Les rubriques :
Sophie Cohen : Christelle et la trichotillomanie en question
Adrian Chaboche : La présence
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Psychothérapie en rupture amoureuse. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74.

Articles EMDR - IMO - samedi 19 avril 2025 - 18:57
Blessée, salie par l’épreuve d’une rupture après quatre années de relation, Mélanie suit une thérapie mêlant hypnose, technique des mains de Rossi et exercice de la vague magique. Jusqu’au sentiment, au fil des séances, d’être « sortie » de cette relation.

Ce texte vise à partager les différentes étapes de la psychothérapie d’une jeune patiente de 26 ans, venant suite à une rupture amoureuse et n’ayant jamais expérimenté l’hypnose et l’expérience de la thérapeute que je suis, qui découvre chaque jour un peu plus sa créativité et la laisse prendre la place qu’elle a à prendre depuis la fin de sa formation en hypnose et thérapie brève en décembre 2022 (IMHEN de Normandie).

Ce texte est aussi une première pour moi : s’autoriser à écrire et le faire partager.

PREMIÈRE ET DEUXIÈME RENCONTRES : ÉLABORATION DE LA DEMANDE ET SON CONTEXTE.

Mélanie consulte à la suite de la séparation initiée par son conjoint Pierre après quatre ans de relation. Elle évoque une influence toxique d’un couple d’amis de ce dernier qui lui renvoyait constamment qu’elle n’était pas assez bien pour lui. Propos qu’il répercutera sur elle régulièrement. « Tu as pris trop de poids, comment puis-je te désirer ? » A Noël, lorsqu’elle lui demande ce qu’il souhaite comme cadeau, il lui répond : « Je veux rien, juste une femme qui s’assume et non une moche. » Elle subit des humiliations par ce couple d’amis qui, pour la préparation de l’anniversaire de Pierre, ne lui laissent aucune possibilité de prise de décision. Ils organisent une grande soirée qui ne correspond pas aux préférences habituelles de Pierre, ils forcent Mélanie à porter les vêtements de cette autre femme, trop grands pour elle. Pierre reprochera à Mélanie l’organisation de cette soirée.

Pierre et ses amis veulent qu’elle LEUR fasse un enfant. Elle s’y oppose. Pendant cette séance, j’oserai lui dire que cette séparation est le plus beau cadeau qu’il a pu lui faire, même s’il lui est impossible de le ressentir comme tel pour le moment. Lors de la deuxième séance, Mélanie commence déjà à ressentir quelques bienfaits de cette séparation, elle revoit des amies, prend du plaisir à faire des choses simples. Elle envisage la possibilité de changer de région mais cela correspond davantage à une fuite. Elle a peur de le voir partout. Elle évoque l’apparition de troubles alimentaires à tendance restrictive et une augmentation de sa pratique sportive. Elle souhaite perdre les 10 kilos pris durant cette relation. Il a altéré son image de soi. Elle ne peut plus se regarder dans le miroir. Elle a déjà perdu 9 kilos et s’est déjà fait vomir à deux reprises par culpabilité d’avoir mangé. Elle n’a pas d’antécédents de trouble du comportement alimentaire. Je ressens une certaine urgence à l’aider à trouver les ressources nécessaires pour endiguer ce processus.
D’abord sur un versant plus intellectualisé à la façon d’une éducation thérapeutique, je valide son désir de perte de poids et lui donne des informations sur le métabolisme de base et comment la restriction alimentaire a pour effet de le ralentir. Je ressens bien qu’elle prend toutes ces informations mais que nullement cela ne s’ancre en elle. Gratter la glace sur le haut de l’iceberg n’est pas suffisant, c’est sous l’eau qu’il faut que je l’accompagne.

TROISIÈME RENCONTRE : LA VAGUE MAGIQUE.

Lors de cet entretien, elle me dit ne pas avoir trouvé de solutions aux problèmes alimentaires. Les quelques périodes où elle a pu s’autoriser à manger avec un léger appétit, l’augmentation du sport a été la solution.
- Mélanie : « J’ai tellement peur qu’on ne m’accepte pas comme je suis. Qu’est-ce qui me dit que si je rencontre quelqu’un d’autre cela ne recommencera pas ?
- Thérapeute : Qu’est-ce qui vous empêche d’avancer ?
- Mélanie : Les mots qu’il a pu me dire. J’étais incapable de partir. Il m’a salie. » Me vient alors à l’esprit l’image d’une eau, d’une mer qui lave dont les vagues apportent les ressources et repartent avec le mauvais, avec ce qui l’entrave. Je lui propose alors de découvrir l’hypnose. Elle accepte. Je lui demande au préalable si elle a peur de l’eau. Cela n’est pas le cas.

PROTOCOLE :
- Th. : « Préférez-vous avoir les yeux ouverts ou fermés ?
- Mélanie : Fermés.
- Th. : Juste avant qu’ils ne se ferment, je vous laisse fixer quelques instants un point au niveau de la ligne d’horizon, ni trop haut ni trop bas. Voilà, comme ceci. Vous observez intensément, profondément ce point et tous ses détails : sa couleur... sa forme... sa taille... Et vous constatez comme avec un appareil photo que vous pouvez zoomer ou dézoomer, le voir plus précisément dans ses détails ou bien plus flou. (Les paupières clignent davantage.)
- Th. : Très bien, les paupières cherchent à se fermer et se ferment (ratification). Pendant que les yeux sont fermés, une part de vous entend tous les sons autour de vous, propres à cette pièce ou bien extérieurs. Ces sons vous accompagneront et ne vous dérangeront pas. Maintenant votre attention se focalise sur la façon dont votre corps est posé dans son fauteuil, la façon dont le dos perçoit le rebond, le confort de son dossier. La façon dont vos épaules sont positionnées... la façon dont votre bassin est confortablement installé... puis vos jambes... vos genoux... vos pieds... bien ancrés dans le sol, et même de vous amuser à sentir comme les orteils ont envie de bouger légèrement pour ressentir le contact de la chaussure. Maintenant derrière les paupières vous percevez le chemin qui mène à une plage... que vous connaissez ou bien imaginaire... ça n’a pas d’importance. Les pas vous emmènent progressivement, tranquillement, vers cette mer dans laquelle vous rentrerez tout à l’heure, mais pas tout de suite... Je ne sais pas comment vous êtes, si vous êtes habillée, en maillot de bain ou nue... seule vous savez... Les yeux observent l’horizon, les vagues qui viennent et repartent au rythme que vous souhaitez, ce qui est juste confortable pour vous. Cette mer a un pouvoir magique, elle permet à celui qui s’autorise à y entrer de laisser partir ce qui n’est pas bon pour lui et de prendre ce dont il a besoin, de laisser rentrer en soi les ressources qui permettront d’avancer. Indiquez-moi lorsque vous êtes au bord de la plage... quand les pieds ressentent la sensation de l’eau... sa température. Le corps avance progressivement... à son rythme et rentre dans l’eau... jusqu’au niveau où c’est confortable pour vous. Lorsque c’est OK pour vous, faites-moi signe... OK, parfait ! Pouvez-vous me dire où arrive l’eau ? (elle me montre sa poitrine). Parfait, au niveau du coeur... Vous êtes là, stable, et vous regardez cette vague qui arrive tranquillement, à son rythme... Elle vient toucher votre coeur et vous constatez qu’en repartant elle emporte avec elle une des choses qui n’est pas bonne pour vous... que ce soit sous forme d’image... de symboles... de mots... ou tout autre chose... Et vous la regardez partir loin... loin... très loin... et puis vous observez cette nouvelle vague qui arrive pour vous apporter ce dont vous avez besoin... quelque chose de connu... ou quelque chose de nouveau... et vous pouvez vous autoriser à ressentir ce cadeau en vous, peu importe ce que c’est... seule vous savez... La conscience n’a pas besoin de savoir, l’inconscient sait ce qui est bon pour vous... » Puis nous répétons la même séquence avec d’autres vagues en insistant « sur le fait que les vagues repartent loin jusqu’à ce que vous ne les voyiez plus, jusqu’à oublier... ces mots... ces images... Vous ressentez en vous ce qu’il vous est nécessaire... pour vous sentir gagner en légèreté... ce qui va vous permettre, lorsque vous sortirez de l’eau, de prendre le chemin que vous devez prendre... ».
- Th. : « Comment c’est en vous ? Comment vous vous sentez ?
- Mélanie : Bien.
- Th. : Est-ce suffisant ou est-il nécessaire de continuer ?
- Mélanie : Peut-être encore un peu.
- Th. : Parfait, alors continuez... faites ce que vous avez à faire... seule vous savez ce qui est bon pour vous. Je vais me taire quelques instants pour vous laisser finir... Et lorsque ce qui doit être fait est fait, vous me faites un signe (silence de 3 minutes)... »
- Th. (après le signal) : Maintenant, vous allez commencer à sortir de l’eau, à votre rythme. Je ne sais pas si vous vous retournez sans regarder derrière ou si vous sortez en reculant. Ça n’a pas d’importance... uniquement ce qui est bon pour vous... Et tout en sachant que vous aurez la possibilité de revenir sur cette plage lorsque vous en aurez besoin, aussi souvent que nécessaire... pour ne pas vous laisser submerger... (3 répétitions de la suggestion). Vous oublierez de cette séance ce dont vous n’avez pas besoin, vous garderez uniquement ce qui est utile pour vous (suggestion d’oubli afin de renforcer la suggestion faite sur l’amnésie de ce qui est mauvais lorsque la vague repart loin). Voilà, maintenant vous marchez pour quitter cette plage et à chaque pas vous revenez de plus en plus ici et maintenant avec moi. »

ÉCHANGE DE FIN, PETIT RETOUR D’EXPÉRIENCE :

- Th. : « Comment vous vous sentez ? Un commentaire ?
- Mélanie : Bien. Cela permet de laisser les choses loin et avancer. Prendre du recul.
- Th. : Vous sentez que cela vous a été utile ?
- Mélanie : Oui.
- Th. : Nous n’allons pas débriefer davantage car l’exercice va continuer à agir. Et comme je vous le disais, vous referez cet exercice quand vous en aurez besoin, autant de fois que nécessaire et où vous le souhaitez... chez vous... ou ailleurs. Et vous me redirez la semaine prochaine ce qui a déjà changé, OK ?
- Mélanie : D’accord. »

QUATRIÈME RENCONTRE : ÉVALUATION DES CHANGEMENTS RESSENTIS ET MAINS DE ROSSI

- Th. : « Comment vous sentez-vous ?
- Mélanie : De mieux en mieux.
- Th. : Comment c’est mieux ?
- Mélanie : Je suis pas mal occupée. Je me fixe des nouveaux objectifs. Je cours beaucoup car je me suis inscrite à des concours d’athlétisme. Je sors avec des copines et j’ai un projet de vacances.
- Th. : Bien. Et au niveau alimentaire ?
- Mélanie : Cela dépend des jours. C’est plus compliqué quand je suis au travail. Je ne mange presque pas. Je ne prends pas le temps de me faire à manger.
- Th. : A la maison ?
- Mélanie : Non. Je vais courir, donc il faut que je mange.
- Th. : Est-ce que vous pouvez vous autoriser à vous obliger de vous préparer une gamelle ?
- Mélanie : Oui, je devrais.
- Th. : Comment vous êtes-vous sentie après notre dernière séance ?
- Mélanie : Libérée ! Je pense de moins en moins à la séparation. Avant c’était davantage présent.
- Th. : Bien. Et l’image de vous-même ?
- Mélanie : C’est encore compliqué. Je ne vois pas comme je suis.
- Th. : Avez-vous moins l’impression d’être salie ?
- Mélanie : Oui... encore un peu.
- Th. : D’accord. Vous ressentez votre image encore un peu salie mais vous ressentez pleinement cette libération de la séparation.
- Mélanie : Oui. De me dire que c’était un cadeau qu’il soit parti, c’était pas possible, et plus ça va, plus je me rends compte que si, en fait. Je suis bien mieux maintenant que pendant la relation de quatre ans.
- Th. : De quoi auriez-vous besoin aujourd’hui pour vous sentir mieux ? Qu’un jour vous vous disiez que vous n’avez plus besoin de venir me voir ?
- Mélanie : La confiance en soi, car elle est absente dans tout, même au travail.
- Th. : Quel serait le premier signe que cette confiance commence doucement à revenir ?
- Mélanie : En allant vers les autres ?
- Th. : L’avez-vous déjà ressentie cette confiance ?
- Mélanie : Oui.
- Th. : Dans quel domaine c’est le plus difficile cette confiance ?
- Mélanie : L’apparence. Avant cette relation, je m’assumais et vivais très bien avec mon corps.
- Th. : En gros, vous êtes en train de me dire que vous avez une partie de vous qui sait, qui connaît cette confiance en soi, et qu’il y a une autre partie de vous encore sous le coup du traumatisme de cette relation qui l’ignore. Elles ne communiquent pas ces deux parties. Peut-être ont-elles des choses à se dire, à s’offrir l’une à l’autre ?
- Mélanie : Oui, je crois.
- Th. : Voulez-vous que nous les laissions communiquer ensemble, se dire ce qu’elles ont à se dire, s’écouter mutuellement, qu’elles s’offrent ce qu’elles ont à s’offrir ?
- Mélanie : Oui. »

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Delphine Le Gris Psychologue clinicienne diplômée en 2013 d’un master Psychologie clinique et pathologique. Formation à l’hypnose et aux thérapies brèves au sein de l’IMHEN de Normandie en 2021-2022. Exerce en libéral depuis 2020.

N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


Génèse de l'empathie. Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74.

Formation Hypnose Ericksonienne Paris - samedi 19 avril 2025 - 18:15
HISTOIRE, MÉCANISMES ET ENJEUX. Dr Olivier de Palézieux pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Qu’est-ce que l’empathie et d’où vient-elle ? Depuis les origines, entre tours, détours, théories et variations à travers le temps, l’auteur nous entraîne dans le sillage de l’empathie, en explorant sa double dimension émotionnelle et cognitive. L’empathie est un concept nomade qui intéresse aussi bien la psychanalyse, la psychologie, la philosophie, les neurosciences, l’hypnose, que l’économie et le management jusqu’à la communication. Mais que sait-on de ce mot qui vient du grec pathos, et qui sous-entend une rencontre entre deux êtres ? L’empathie, au-delà de son intérêt clinique, comme outil présumé de relation thérapeutique, pose d’abord la question du quoi ? et du comment ? dans ce qui se transmet entre le sujet empathique et celui avec lequel il est en empathie. Afin de déterminer son champ d’utilisation, il importe d’en comprendre les mécanismes et les enjeux. Nous proposons dans cet article de faire le bilan de ce qu’est aujourd’hui l’empathie à travers son histoire.

DES ORIGINES AUX THÉORIES SUCCESSIVES.

Dès l’Antiquité, la sympathie précède l’empathie. Hippocrate et Aristote y voient la résonance pathologique entre les organes du corps, parlant de sympathie entre ces derniers. La sympathie, c’est d’être affecté par les souffrances du prochain, c’est comme une corde tendue entre deux individus sur laquelle on peut créer une vibration commune. Après avoir été définie en 1759 par Adam Smith, puis en 1800 par Pierre-Jean- Georges Cabanis comme l’opérateur essentiel des rapports entre les hommes, la sympathie va tendre vers des débats esthétiques jusqu’à désigner un sentiment d’attirance, pour quelqu’un ou quelque objet. De cette autonomisation esthétique, c’est un nouveau terme qui va surgir en 1873 par le philosophe allemand Robert Vischer, l’« Einfühlung », dont la traduction sera l’« empathie ».

En 1909, Theodor Lipps effectue un transfert de ce concept, de l’esthétique vers la psychologie. Il remarque qu’en observant un funambule sur sa corde, on ne peut s’empêcher d’imiter certains de ses mouvements se succédant, de perte et de rétablissement d’équilibre. L’empathie se réfère ainsi à une imitation « suspendue » comme si nous simulions intérieurement et instinctivement un acte, voire même une émotion. La psychanalyse s’empare de l’empathie, avec Sigmund Freud qui la compare au principe d’imitation, mais en précisant que c’est comme si on accompagnait sans que l’imitation soit effectuée. Il précise que dans une cure, il faut maintenir cette Einfühlung, sans moraliser, sans prendre parti, en restant juste dans cette attitude empathique, un long moment parfois ; comme une patience requise pour éviter des interprétations prématurées ; comme une condition préalable à l’analyse ; comme il l’a fait pour pénétrer les modes de pensée de l’homme aux loups. Sándor Ferenczi le rejoint dans cette idée, mais adjoint le mot « tact » à l’empathie, comme condition et temporalité à la fois, pour permettre de se mettre au diapason de l’autre, de sentir avec. S’il peut y avoir une forme d’élasticité quant à leurs modes d’emploi respectifs de l’empathie, tous deux reconnaissent que celle-ci suppose une neutralité dans la proximité affective, car il y a bien de l’affect dans cette façon d’être.

D’un moyen de connaissance d’autrui pour Lipps ou pour Freud, l’empathie devient le fondement de la connaissance objective à travers l’intersubjectivité décrite par Husserl, pour qui l’altérité du semblable va arracher l’homme au solipsisme, pour le conduire à celle-ci, seul chemin possible vers un monde objectif. Sa pensée sera reprise dans la phénoménologie de la perception de Merleau- Ponty où l’accent est mis sur l’expérience du corps vécu. Paul Ricoeur, au travers d’une philosophie du langage, y adjoint la distance à poser, dans une profonde valeur éthique, avant même d’accorder à l’empathie un rôle premier dans la constitution de l’identité narrative ; une identité où l’individu ne se résume pas à la succession des différents états de son esprit et son corps ; une identité dont la compréhension réside dans la faculté de se mettre en position méta et d’observer les actions et les émotions qui s’en dégagent, pour les laisser s’organiser dans cette causalité spécifique qu’il appelle narrative. Carl Rogers, inspiré par une phénoménologie plus proche de Soren Kierkegaard, a joué un rôle important par la diffusion de l’empathie dans le champ des psychothérapies et du counseling, en la définissant comme un moteur de transformation attendu par un traitement psychothérapique. Dans une démarche empathique, le thérapeute perçoit le cadre de référence interne du « client » comme s’il était le « client », sans jamais perdre de vue la condition du « comme si », afin de ne jamais se perdre dans l’identification. Pour lui ce ne sont pas des concepts à appliquer, mais plus un savoir-être dans un souci permanent de congruence.

Heinz Kohut renforce le rôle dévolu à l’empathie en l’affirmant plus dans la connaissance que dans la réparation, comme une introspection par procuration étendue à autrui, une introspection vicariante, qui précède l’insight qui lui est subordonné (l’insight en psychologie cognitive est le niveau de conscience du trouble). A ce moment, tous s’accordent à reconnaître à l’empathie deux dimensions : une dimension affective, et une dimension cognitive. Ces deux dimensions s’expliquent tour à tour aussi bien au travers de la psychologie comportementale et cognitive, qu’au progrès des neurosciences depuis la fin du XXe siècle. La composante affective fait lien avec la résonance motrice non intentionnelle produite par les neurones miroirs découverts par Giacomo Rizzolatti, mais aussi avec l’universalité des six émotions primaires de Paul Eckman, perçues, ressenties et exprimées de façon équivalente chez tous les humains.

OBSERVATION DES NOUVEAUX-NÉS ET ÉVEIL EMPATHIQUE...

Ce mimétisme de résonance motrice, tout comme ces émotions partagées expliquent les phénomènes de facilitation sociale, ainsi que la contagion émotionnelle susceptible d’atteindre certains sujets trop empathiques envers d’autres ; particulièrement si cette composante affective prédomine sur l’autre composante, spontanément propice à la contagion émotionnelle, ou consécutivement à une altération de la composante cognitive comme dans les démences fronto-temporales. Cette capacité d’imitation que l’on retrouve dans la composante affective est en quelque sorte innée puisque l’observation des nouveaux-nés nous montre qu’ils possèdent dès le début de la vie cette possibilité de partage d’affect jusqu’à la contagion émotionnelle. Rapidement, ils développent des capacités d’identification et de discrimination du soi-autrui, appelé l’éveil empathique. Peu de temps après la naissance, en effet, le nouveau-né réagit différemment aux pleurs du nouveau-né du même âge, aux pleurs d’un adolescent, aux pleurs d’un bébé chimpanzé, voire à ses propres pleurs. Il ne pleure véritablement que s’il discrimine les pleurs de ses congénères du même âge. Dans les interactions de la mère avec son bébé, validant les théories d’André Green dans son concept de « la mère morte », en référence à l’effet structurant du regard maternel de Donald Winnicott, l’expérience où la mère montre un visage immobile, qui lui est imposé, qui engendre un immense malaise chez son bébé. Un nourrisson est impatient et avide du lien constitué au travers de l’imitation du visage de sa mère, y cherchant une reconnaissance mutuelle d’empathie. Tout porte à penser que le nouveau-né est déjà pourvu de pré-réseaux neuronaux de l’empathie, car dès la deuxième année de vie, il ajoute le souci de l’autre à sa construction de l’empathie.

NEUROSCIENCES ET LANGAGE EMPATHIQUE.

Ces théories sont modélisées par les découvertes des neurosciences, précisant les régions cérébrales concernées. De façon schématique, l’empathie émotionnelle est liée au registre du système limbique, incluant l’hypothalamus et le cortex parahippocampique, l’amygdale et d’autres régions comme l’insula et une partie du cortex préfrontal, quand l’empathie cognitive est liée au système du réseau exécutif impliquant préférentiellement le cortex frontal médian et fronto- temporal et le cortex cingulaire antérieur. La dimension cognitive de l’empathie est définie par Jean Decety comme la perception supplémentaire chez l’homme de percevoir l’autre comme un agent intentionnel, avec une capacité d’épouser, ou pas, sa perspective subjective. Decety l’appelle la reconnaissance et la compréhension minimale des états mentaux d’autrui, avec sa capacité discriminative de la distinction entre soi et l’autre, au-delà du partage affectif. Au travers de l’ontogénèse de l’empathie, nous constatons que, par le langage, l’enfant va progressivement comprendre vers l’âge de 4 ans que l’autre peut avoir des perceptions différentes de lui-même, sur les choses extérieures que lui voit à sa façon propre, dans sa quête de représentation du monde de l’autre. Nous pouvons avancer que le langage est facilitateur de la construction de l’empathie cognitive en liaison à la maturation de ses fonctions exécutives dont nous avons parlé. Il y a lieu d’insister sur ce pouvoir du langage par lequel nous opérons dans nos pratiques, que ce soit la psychanalyse, les thérapies cognitivo-comportementales, et toutes les autres thérapies brèves en passant par l’hypnose.

L’observation des nouveaux-nés nous montre qu’ils possèdent dès le début de la vie cette possibilité de partage d’affect jusqu’à la contagion émotionnelle. L’empathie se caractérise ainsi par ses deux composantes primaires : • une réponse affective envers autrui qui implique parfois un partage de son état émotionnel ; • une capacité cognitive de comprendre la perspective subjective de l’autre. Mais avec une barrière majeure, celle de ne pas prendre la place du patient, car selon la réponse prêtée à Jacques Lacan : « Et où voulez-vous que le patient soit, alors ? » Il est essentiel de le laisser dans son récit narratif en lui montrant juste qu’on est là, près de lui, mais sans être lui, tout en le comprenant dans ses affects, dans son discours. Par notre capacité d’empathie cognitive, qui rejoint celle du patient, on est dans la compréhension de son esprit. Et cela encore une fois grâce à ce langage empathique, qui dans sa spécificité traite l’autre comme égal à nousmêmes. Un langage qui se pratique avec tact, parfois de façon métaphorique. Il reste un excellent moyen de communiquer pour savoir quel est sentiment de l’autre, mais sans réelle certitude, car comme le rappelle Ludwig Wittgenstein, les mondes intérieurs sont incommunicables si on n’y adjoint pas le langage ; dans l’exemple de son célèbre récit du scarabée dans la boîte, où schématiquement la boîte est notre conscience, et le scarabée un des contenus. A travers le langage et l’échange, nous savons, sans certitude, que l’autre a un scarabée dans sa boîte, mais sans savoir réellement comment il est... Ainsi dans la relation empathique, l’autre est perçu comme l’alter ego, c’est-à-dire un autre moi, à la fois commun et différent.

L’EMPATHIE DANS LA RELATION THÉRAPEUTE-PATIENT.

Eu égard à la construction neurologique d’une empathie émotionnelle et d’une empathie cognitive, Julie Grèzes décrit cette dernière comme la constitution du self qui doit être bien finalisée pour que l’empathie puisse agir. Pour nous thérapeutes…


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Dr Olivier de Palézieux Praticien hospitalier en médecine d’urgence. Chef de service à l’EPS Barthélemy-Durand - Centre régional de la douleur à Etampes (Essonne). Psychothérapeute certifié AFTCC, Access MBCT et ACT. Praticien en Hypnose médicale et enseignant de Mindfulness à l’université Toulouse III.

Ses publications : « Dossier Hypnose et méditation », « Hypnose & Thérapies brèves » n°56 ; « Construction contemporaine de la méditation et de l’hypnose au travers des neurosciences »,
« Hypnose & Thérapies brèves » n°57 ; Mémoire « Hypnose et méditation : une alliance thérapeutique ? »,
université de Paris-Saclay, 2019.
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La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


Souffrance au travail et Hypnose. Dr Michel RUEL.

Formation Hypnose Medicale - samedi 19 avril 2025 - 16:14
AIDE À UNE PRISE EN CHARGE DE L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL. Pression du travail, pression que l’on se met au travail, jusqu’au mal-être, au sentiment d’échec, jusqu’à l’effondrement, jusqu’au burn out. L’hypnose peut être un outil pour travailler sur la souffrance au travail, devenue phénomène de masse, en privilégiant l’écoute, la vigilance et l’urgence le plus souvent de prescrire un arrêt de travail. Notre commission a travaillé sur la souffrance au travail et ce qu’on pouvait proposer en hypnose à nos patients. Au-delà des nombreuses situations particulières, il est fondamental de repérer un phénomène qui s’amplifie. Il s’agit d’une souffrance de masse, liée au développement des techniques de management apparues dans les années 1980, techniques dont les effets pervers ont été tôt dénoncés et dont même leurs auteurs ont proposé des alternatives, mais qui imprègnent maintenant la conscience et les pratiques des managers formés uniquement à ces pratiques sans connaître la réalité du travail.

Pour prendre en charge nos patients, il faut comprendre les mécanismes intimes de cette souffrance. Le premier phénomène est l’emprise sur le psychisme et l’imaginaire des employés, à travers l’adhésion à une logique d’organisation et l’intégration d’une culture d’entreprise, système de valeurs et d’objectifs, et spécialement celui d’excellence. La quête inlassable de l’excellence rencontre le désir de l’individu de se dépasser, se réaliser dans sa carrière professionnelle, gagner des récompenses narcissiques et financières dans une société où la réussite financière est devenue le critère de réussite de la vie et où l’individualisme a pris le pas sur les anciennes solidarités et identités de classe. Dans le cadre de cette emprise, les affects vont être vécus sans prise de recul, l’anxiété sera moins celle d’une sanction que celle d’une insuffisance personnelle vécue avec culpabilité et un doute sur ses compétences, sentiment douloureux de l’échec personnel (même si les sanctions directes demeurent toujours importantes dans certains secteurs : centres téléphoniques, par exemple). D’autres éléments de souffrance sont la solitude de l’individu et la perte de sens de son travail. Le management s’emploie à mettre les salariés en concurrence en assignant des objectifs individualisés et irréalisables.

L’« évaluation individuelle des performances » se fait à l’aide d’instruments informatiques, d’indicateurs chiffrés qui évaluent des quantités sans référence à la qualité ni aux difficultés du travail. Surtout, la notion de travail d’équipe disparaît, chaque employé est mis en concurrence avec les autres. La rivalité remplace la solidarité et laisse l’employé seul face à des objectifs irréalisables, des indicateurs dont il ne comprend pas toujours le sens. Ce processus l’amène à douter de sa compétence. Il est même amené à douter de son identité, lorsque les contraintes organisationnelles ne lui permettent plus un travail de qualité, un travail bien fait qui soit reconnu par l’employeur et par ce qu’étaient autrefois les équipes, les collectifs de travail. Travailler doit avoir un sens, aimer le beau travail bien fait est une aspiration universelle.

L’abandon de la référence au travail bien fait – qui nécessite du temps – a conduit à créer la norme de la « qualité totale », mesurée par des indicateurs quantitatifs sans rapport avec la qualité réelle du produit entier. Ainsi Maxime Bellego relève-t-il : « Si la mesure du travail est trop éloignée du travail réel, il y a rupture idéologique et groupale entre celui qui mesure et celui qui fait, mais en plus la mesure vient empêcher le travail de s’effectuer correctement puisque c’est l’activité qui va s’adapter à la mesure et non l’inverse » (3). La perte de sens est maximale quand s’ajoutent les tricheries : falsifications comptables ou statistiques, mensonges sur la qualité, fraudes, aboutissant à une trahison de l’éthique professionnelle, une trahison de soi (2), source de malaise, de dépression. Les managers eux-mêmes peuvent souffrir de cette organisation, par exemple si on leur demande de choisir les employés à licencier pour répondre aux attentes des actionnaires. Sur le site Souffrance et travail (4), la psychologue Marie Pezé propose un test de « propagation du burn out » : clinique de la progression de la souffrance professionnelle jusqu’au suicide ou à des états dépressifs graves.

Ce test est très utile pour prendre la mesure de l’épuisement professionnel : éviter sa sous-estimation chez le patient, et nous faire mesurer la nécessité ou l’urgence d’un arrêt de travail si le risque est grand d’un dommage irréversible. Notre posture de « non-savoir » nécessaire à la pratique de l’hypnose, avec son accueil inconditionnel de ce qu’apporte le patient, se confronte ici à une obligation morale de secours à personne en danger, et donc savoir reconnaître le danger d’une exposition professionnelle dont le patient est incapable de se libérer seul. Aux premiers stades de cette souffrance, le patient est en état de consulter et de travailler avec l’hypnose (le texte résumé en italique est de Marie Pezé).

1. « Au début c’est la surchauffe. Les contraintes, le manque de moyens, de temps sont à la source d’inquiétude quant au travail qui n’est pas terminé et s’accumule alors que l’encadrement signifie : “vous devriez mieux vous organiser”. Vous avez l’impression de ne pas être à la hauteur de ce qu’on attend de vous. Vous vous dites que c’est vous qui n’en faites pas assez, ou pas assez bien. Vous commencez à vous sentir coupable de ne pas y arriver. Vous travaillez chez vous le soir, les week-ends. Mais même avec tous ces efforts, vous n’arrivez plus à vous mettre à jour. »

2. « Après six mois de stress. Votre capacité d’attention et de concentration est saturée, vous n’imprimez plus tout ce que vous devez retenir. Il vous faut plus de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux. Vous avez la vue qui se trouble. Vous commencez à avoir mal de-ci de-là, puis bientôt vous avez mal partout. Tout commence à vous agacer, le manager qui vous demande de faire des choses en plus, vos collègues qui ne vont pas assez vite et qui bloquent votre travail. Vous avez du mal à trouver le sommeil. »

3. « L’engrenage. C’est l’étape décisive qui fait passer le salarié au fonctionnement compulsif dont il faudra bien que quelqu’un de son entourage l’extraie : vous vous réveillez en pleine nuit et vous êtes assailli par tout ce que vous n’avez pas fait, tout ce que vous avez encore à faire. Vous ruminez et vous n’arrivez plus à vous rendormir. Vous n’arrivez pas à lutter contre le TTU (“Très Très Urgent”), le toujours tout de suite, l’ASAP (“As Soon As Possible”). Vous travaillez de manière compulsive. Vous êtes captif du numérique, vous regardez tout en ligne. Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour… Vous êtes pris dans un engrenage : vous êtes fatigué, donc moins performant. Vous faites des erreurs, vous vous trompez de mots. » Au fur et à mesure de la progression vers les six stades suivants, de la désocialisation jusqu’à l’effondrement (à lire sur le site) (4), l’arrêt de travail devient une nécessité de plus en plus urgente.

COMMENT UTILISER L’HYPNOSE ? VOICI QUELQUES EXEMPLES...

1. Le sujet se sent coupable de ne pas y arriver. Proposer un recadrage pour diminuer la culpabilité, par exemple : « Est-ce vraiment vous qui êtes devenu insuffisant ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt la restriction de personnel, le changement de méthodes managériales ? Est-il vraiment impossible de vous accorder le droit de respecter certaines limites (limiter vos horaires, faire des pauses) ? » Permettre au sujet de retrouver une image favorable de lui. Pour cela, faire revivre en hypnose un succès passé pour récupérer une image favorable de soi. Faire ressortir l’importance de « la pression » dans les comportements de maltraitance, celle de l’encadrement et celle que les employés s’infligent : ils pensent que ce rythme de travail est indispensable pour le travail de leurs collègues ou pour la survie de leur entreprise, ils ont intégré la lutte pour atteindre les objectifs fixés comme une nécessaire fidélité à leur engagement ou comme inévitable pour ne pas être licenciés. « Cette pression interne, comment parlet- elle avec vous, avec quelle voix ? » Quel est le moteur de cette fuite en avant ? D’autres se sentent impuissants à arrêter ce flot de tâches qui s’accumule et grossit de jour en jour.

Reformuler : « Là, maintenant vous vous sentez actuellement impuissant » (quoi faire seul sans soutien ? les anciennes solidarités ont été brisées). Pour faire faire un « pas de côté » au patient, nous l’invitons à prendre du recul, à se mettre en retrait. Qu’il devienne un tiers observateur de lui-même et de la situation afin de pouvoir changer de point de vue. Lâcher prise et faire un pas de côté lui permettront peut-être de se détacher, de se décoller de cette emprise combinée de l’entreprise et de sa propre exigence idéale de réussite dans sa course folle à l’impossible. 2. Le sujet manque de temps pour tout faire, ça devient un cercle vicieux : il a du mal à trouver le sommeil, il est plus irritable, impatient. Recadrer : l’irritabilité, l’impatience résultent de cette fatigue, ce stress de six mois qui a épuisé les batteries. L’écoute du patient nous amène à définir avec lui le but à atteindre avec l’hypnose. Puis on pourra faire venir sur la chaise devant le patient son chef N+1, sur une autre le PDG de la boîte, un collègue, le conjoint ou l’enfant du/de la patient(e), afin de décentrer le patient, le faire sortir de son regard autocentré culpabilisateur. Ailleurs, on peut emmener en transe le patient sur son lieu de travail et lui faire vivre une confrontation, avec ses collègues et son N+1, en l’accompagnant, en le questionnant sur ce qu’il ressent, ce qu’il va faire, avec le retrait possible et répété sur un lieu sûr, comme on fait des confrontations à un objet phobogène. De nombreuses interventions sont possibles, certaines minimalistes (« ne rien faire » de Gaston Brosseau, ou « les mains de Rossi » où on se contente de notre présence dense pour accompagner le patient dans sa quête d’un pas de côté), d’autres qui utilisent l’externalisation, comme en Thérapie du lien et des mondes relationnels.

L’important est d’être à l’écoute du ressenti du patient et de son propre ressenti de thérapeute et de bien appréhender combien il est difficile de se sortir de ces situations en sachant que souvent la seule solution est l’arrêt de travail. « Vous démarrez toutes vos journées avec un sentiment de faute, de culpabilité, puisque vous n’êtes pas à jour, vous faites des erreurs... » Comment intervenir ? Proposer un arrêt de travail et travailler de façon rapprochée pour réparer les dégâts et permettre le repos... Si la souffrance a davantage usé le patient, le danger de dépression et de suicide est grand et l’arrêt de travail prolongé est la condition de la survie, l’hypnose accompagnera cette mesure indispensable. Marie Pezé décrit les stades suivants qui amènent au burn out : celui de la désocialisation, celui des signaux somatiques forts, celui de l’isolement, du recours aux expédients (drogues, médicaments), puis de la désillusion qui précède l’effondrement. Il est important d’identifier ces signes (5). Que faire quand la situation est grave ? Travailler sur des objectifs minimalistes : dormir, retrouver un intérêt pour quelques sensations agréables... La transe hypnotique permet de chercher ces sensations, en revivant de beaux moments structurants de sa vie (le jour où elle accouche, le diplôme qu’il obtient, etc.). On pourra aussi aider à se protéger dans une bulle virtuelle qui soit flexible, ou bien externaliser l’irritation, la colère, la honte.

UNE ILLUSTRATION CLINIQUE AVEC LES MAINS DE ROSSI

Mon patient, qu’on appellera « M. Emmanuel », est un cadre important d’une entreprise, je l’ai vu plusieurs fois. Lors d’une précédente consultation, je lui ai conseillé de réaliser le test de Marie Pezé. Fatigué, captif du numérique, culpabilisé de ne pas être à jour (sa fatigue réduisait son efficacité intellectuelle mais il continuait à s’acharner à poursuivre ses objectifs), il avait déjà des éléments de désocialisation qui m’inquiétèrent : je lui conseillai d’envisager un arrêt de travail, qu’il sollicita de son médecin. Après deux semaines de repos, il vint me voir avant sa reprise. Il exprima les difficultés avec sa supérieure hiérarchique, qui pendant qu’il était en arrêt maladie avait encore empiété sur son champ d’action par des interventions dites de « micromanagement » décrites par M. Emmanuel comme non respectueuses de son équipe, maladroites, et qui témoignaient du peu de cas qu’elle faisait de lui et de ses ressentis. Ce manque de respect à son égard suscitait chez M. Emmanuel des émotions difficiles à traverser, et des inquiétudes sur ce qui allait se passer à son retour au travail quelques jours après la consultation. Il parlait d’aller au combat... Je lui proposai alors de considérer que sa supérieure se comportait comme un robot dont il ne pouvait attendre respect ni humanité, et de s’armer à faire ce qu’il voulait accomplir mais sans attendre respect ni reconnaissance de sa supérieure. Pour cela, j’utilisai deux métaphores et un exercice d’hypnose.

LES DEUX MÉTAPHORES
M. Emmanuel…
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Dr Michel RUEL Médecin des Hôpitaux, ancien chef de service de Médecine interne, s’est consacré à la formation à l’hypnose de professionnels de santé en fondant l’ODPC 7097, pour les soignants hospitaliers et les professionnels de ville (https://seformerhypnose.fr). Vice-président de l’AFHYP, il a publié Se soigner avec l’hypnose et l’autohypnose (Leduc.s Editions, 2017).
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La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


La peur du conflit. Utilisation de stratagèmes.

Hypnose Thérapeutique - jeudi 17 avril 2025 - 20:54
Dr Michel DUMAS pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Endurer, prendre sur soi, se retenir d’en parler. Et surtout, éviter tout conflit. La solution à apporter à la patiente Stéphanie de sortir d’un schéma bloqué avec son mari ? User de stratagèmes pour se vacciner contre l’allergie au conflit. Je reçois Stéphanie, 59 ans, aide-soignante.
- Thérapeute : « Bonjour Stéphanie, qu’est-ce qui vous ferait dire merci à l’hypnose ou aux thérapies brèves dans les jours à venir ?
- Stéphanie : Je dirais merci si mon mari était plus gentil avec moi !
- Th. : Il n’est pas gentil avec vous ?
- Stéphanie : Je fais tout ce que je peux pour le contenter et il ne fait jamais rien pour moi ni à la maison. Je vous avoue que nous n’avons plus de rapports sexuels depuis quelques années. Cela me blesse beaucoup car j’ai peur de ne plus être aimée. Il reste très gentil avec moi mais j’ai l’impression qu’il s’en fout. Il est souvent triste et reste seul devant son téléviseur.
- Th. : Que dit-il quand vous lui expliquez ce problème ?
- Stéphanie : J’ai peur de déclencher un conflit. Je n’ose pas lui en parler. Alors, je ne dis rien.
- Th. : Voyez-vous ainsi les choses s’améliorer ?
- Stéphanie : Non, au contraire, mais j’ai peur de ne plus être aimée.
- Th. : Votre mari a certainement de bonnes raisons pour se comporter ainsi. Sans ses explications, il est impossible de savoir. Pensez-vous qu’il est dépressif ? Il a des soucis dans son travail ?
- Stéphanie : Oui, il a des soucis professionnels. Il est artisan plombier. Ça ne marche pas comme il voudrait.
- Th. : Il aurait peut-être besoin d’une thérapie, mais vous comprenez bien que nous ne pouvons pas forcer les gens à se soigner pour aller mieux. L’hypnose et les thérapies brèves vous apprennent aujourd’hui que le fait d’être très gentille avec lui peut, hélas, produire l’effet inverse. Par exemple, plus un insomniaque veut trouver le sommeil, moins il le trouvera... »
- Th. : « Je me permets de vous raconter une histoire vraie. Il y a quelques années, j’ai reçu une patiente qui avait des problèmes de couple.

Elle croyait que son mari la trompait. Elle avait vu des messages suspects sur son smartphone. Son mari a essayé de la rassurer. Une fois la crise passée, elle a mis en place un fonctionnement qui a augmenté son stress. Elle m’a expliqué qu’elle surveillait son téléphone, ses mails, l’heure de son retour à la maison... Cette patiente, très intelligente, m’avoue sa crainte : “je le surveille tellement que je crains de faire exploser notre couple. Mais c’est plus fort que moi, je n’ai plus confiance et je lui mets beaucoup de pression. Je crains que ce soit maintenant moi qui favorise un divorce”. Elle ne savait plus comment faire. L’hypnose …

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Dr Michel DUMAS Médecin généraliste à Nîmes depuis 1984. DU d’hypnose médicale en 2011 à la Faculté de médecine de Montpellier. Perfectionnement à la Faculté de médecine Pitié-Salpêtrière à Paris. Formé aux thérapies brèves et aux thérapies narratives à l’ARePTA-IMHENA à Nantes.


Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


La relation au coeur de la psychothérapie.

Psychotherapie.FR - mercredi 16 avril 2025 - 21:13
APPORT DU QUESTIONNEMENT DE REMEMBERING. Charlotte THOUVENOT pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Conversations en échafaudage et carte du remembering sont décrites dans ce texte comme des atouts pour redonner sens à l’existence de personnes en souffrance. En se construisant une autonomie relationnelle, elles peuvent sortir de la dépendance aux autres et du monde de la maladie. « Toute la psychopathologie peut être pensée comme l’expression de cette contradiction : soit il y a une relation et pas d’autonomie, et nous sommes dans le monde de la maltraitance, le sujet étant réduit à un objet, soit nous sommes dans un monde où l’autonomie est pensée sans relation possible, et nous avons le monde abandonnique ».

La carte du remembering permet de travailler les relations en psychothérapie et contribue à la construction de l’autonomie relationnelle du patient, autonomie relationnelle qui lui permettra de sortir du monde de la pathologie. La carte du remembering, ou conversation de regroupement, est issue des pratiques narratives de Michael White. Ces cartes permettent, lorsque la personne est en souffrance, de déployer le discours pour redonner du sens à des parties de vie inexplorées par la personne. Ces parties de vie sont inexplorées car elles tombent à côté des croyances de la personne qu’elle a sur le monde ou sur elle-même. Une fois la lumière mise sur ces parties de vie inexplorées, alors la personne va pouvoir reprendre de l’initiative dans sa vie, et être l’auteur de sa vie.

CAS CLINIQUE 1

Une femme de 25 ans, diagnostiquée schizophrène il y a dix ans, vient consulter parce qu’elle pense que tout le monde lui veut du mal (pensées paranoïaques qu’elle critique), ce qui entraîne de l’agressivité verbale avec les autres alors qu’elle sent avoir besoin de relations pour se sentir en sécurité. Elle souhaite réussir à être mieux en relation, plus sereine. Sa pathologie est bien équilibrée, elle a conscience et une bonne connaissance des difficultés liées à la schizophrénie, elle a un poste aménagé au travail.
- Thérapeute (a) : « Avez-vous récemment quelqu’un dans votre entourage personnel ou professionnel qui vous a aidée spontanément ?
- Patiente : Oui, j’ai une collègue, lorsque j’ai changé de poste.
- Th. : Pouvez-vous m’en dire plus sur la manière dont elle vous a aidée ?
- P. : Elle a pris pas mal de temps à m’expliquer, à répéter et elle revenait même me voir pour savoir si j’arrivais bien.
- Th. (b) : Est-ce qu’elle aide tout le monde de la même manière ?
- P. : C’est vrai qu’elle aime bien aider, mais certaines personnes elle leur apprend et ne retourne pas les voir. Elle passe même moins de temps. C’est vrai, elle m’a aidée différemment.
- Th. : A votre avis, qu’est-ce qu’elle a vu en vous qui a fait cette différence ?
- P. : En fait elle vient souvent vers moi, depuis le midi nous avons de plus en plus mangé ensemble et elle m’a dit qu’elle appréciait mon caractère, que j’étais drôle, que je la fais souvent rire et ça la détend.
- Th. (c) : Et à votre avis, qu’est-ce que cela lui a fait que vous acceptiez son aide ainsi, ses moments où elle vient vers vous ?
- P. : Ça lui fait plaisir.
- Th. (d) : Vous pensez que ça renforce certaines choses auxquelles elle porte de la valeur dans sa vie ?
- P. : Oui, la solidarité. Elle m’a déjà raconté que c’était important pour elle de se soutenir les uns les autres, de soutenir les personnes qu’on apprécie, parce que ça permet de traverser les difficultés plus facilement. Elle sait de quoi elle parle car elle en a traversé des difficultés. »

DESCRIPTION DES CONVERSATIONS EN ÉCHAFAUDAGE ET REMEMBERING

Dans son livre Cartes des pratiques narratives, Michael White décrit « les conversations en échafaudage » qui, à mon sens, constituent la toile de fond de chaque carte narrative. C’est cette manière de questionner qui va permettre de dégager les intentions et les valeurs de la personne, c’est-à-dire qui est la personne à partir de ce qu’elle vit et comment elle le vit. Michael White distingue cinq niveaux qu’il gradue du plus bas (niveau 1) au plus haut (niveau 5) niveau de distanciation. Le mot « distanciation » est à prendre au sens d’abstraction, de capacités métacognitives, associatives et d’imagination (capacités à se projeter dans le futur). Avoir les informations du niveau inférieur est nécessaire pour faciliter cette distanciation et permettre d’accéder à l’implicite, à ce qui est latent, dans l’événement et qui est mis en lumière lors de l’entretien, d’où le terme d’« échafaudage ». L’obtention d’une description riche et fine d’un événement permet de sortir des discours naturalistes et familiers pour favoriser l’attribution de nouvelle(s) signification(s) à l’événement (bas niveau de distanciation, niveau 1). De ces nouvelles significations pourront émaner d’autres événements spécifiques qui seront en lien avec le premier, il sera donc possible de les catégoriser en fonction de leurs caractéristiques communes ou divergentes (niveau moyen de distanciation, niveau 2).

Ce tissage d’événements réalisé à partir des similitudes et des différences permettra une prise de conscience globale qui a un sens spécifique et incarné pour la personne du fait des questions précédentes (niveau moyen-haut de distanciation, niveau 3). C’est de cette prise de conscience que la personne va pouvoir déduire des conclusions identitaires qui lui conviennent et se raconter une histoire qu’il préfère (haut niveau de distanciation, niveau 4), pour enfin élaborer des manières d’agir en accord avec cette histoire préférée (très haut niveau de distanciation, niveau 5). Michael White a été inspiré par le travail de Lev Vygotski, dans le sens où, par cette construction en échafaudage des conversations, le thérapeute amène peu à peu le patient à faire de nouveaux apprentissages.

Ce que Lev Vygotski nomme la « la zone proximale de développement ». Nous allons plus particulièrement nous intéresser à la carte du remembering, au regard de cette construction en échafaudage, pour focaliser sur ce que la composante relationnelle peut nous apporter en psychothérapie. Les quatre étapes de la carte du remembering à propos d’une personne ressource (PR) se composent ainsi : a. les actions de la PR dans la vie du patient, comment PR contribue/a contribué à la vie du patient ; b. ce que PR reconnaît de l’identité du patient pour agir ainsi ; c. comment le patient a agi face à cette(ces) contribution(s) de la PR dans sa vie ; d. quel aspect de l’identité de la PR cela vien-til renforcer.

RECOUPEMENT THÉORIE ET PRATIQUE

Nous voyons que les deux premières questions (« avez-vous récemment quelqu’un dans votre entourage personnel ou professionnel qui vous a aidée spontanément ? » et « pouvez- vous m’en dire plus sur la manière dont elle vous a aidée ? ») permettent d’avoir une description du contexte (qui pourrait encore être plus détaillé), ce qui correspond au niveau 1 de l’« échafaudage ». La question « est-ce qu’elle aide tout le monde de la même manière ? » permet d’ouvrir une nouvelle signification. Elle est discriminante (discrimine comment PR agit avec la patiente vs les autres) et essentielle pour que ce soit une relation particulière (niveau 2).

La question amène même spontanément à d’autres événements, et si cela n’avait pas été le cas alors des questions auraient pu être posées pour apporter plus de consistance à cette relation particulière (également niveau 2). De cela la patiente va pouvoir prendre conscience de pourquoi cette personne agit de la sorte et l’attribution n’est pas naturaliste –parce qu’elle gentille – mais intentionnelle – parce qu’elle reconnaît et apprécie quelque chose en moi (niveau 3, étapes a et b du remembering). Des détours pourraient être faits pour explorer d’autres horizons : quand cette identité préférée s’exprime- t-elle ? est-ce que d’autres personnes reconnaissent cette identité qui lui est préférée ? a-t-elle des histoires à nous raconter lorsque cette identité préférée s’exprime et ce qu’elle ressent, ce que cela rend possible ? (niveau 4), pour ensuite questionner ce que cela rend possible dans le futur d’être connectée à cette identité préférée (niveau 5).

Revenons à la carte du remembering car la suite (c) est très importante pour que la patiente puisse ressentir la réciprocité des relations. En effet, elle n’est pas qu’une personne qui reçoit un service mais une personne qui contribue à la vie de la PR, dans le sens où accepter ce service permet à la PR de continuer à se définir. C’est accéder à une nouvelle signification (retour au niveau 2) qui va être épaissie lors de la dernière étape de la carte du remembering (d). Suite de l’entretien...

- Th. : « Donc si je comprends bien, en acceptant son aide vous renforcez sa valeur de solidarité ?
- P. : Je n’avais jamais vu les choses comme ça, mais c’est exact.
- Th. : Qu’est-ce que cela vous fait de voir les choses comme ça ?
- P. : Je me dis que c’est une relation sur qui je peux compter, et que je suis contente de pouvoir avoir cette place dans sa vie. Ça me donne de l’espoir pour d’autres relations.
- Th. : Et comment vous pourriez repérer ce genre de relation quand elle se présente ?... » Et un échange se poursuit en faveur des signes évocateurs de ce type de relation bilatérale. Cette question va permettre de tisser avec d’autres événements en faveur des signes évocateurs de ce type de relation bilatérale (niveau 3), ce qui va lui permettre de devenir plus experte à juger si elle est dans une relation menaçante ou non (niveau 4). De là est déconstruite cette histoire dominante qui s’imposait, « les autres me veulent du mal », en une histoire préférée de type « je peux avoir des relations sereines ». Puis les questions de niveau 5 sont ensuite explorées. Pour ancrer le niveau 5, ce schéma lui a été proposé pour qu’elle pense qu’à chaque fois qu’elle accepte l’aide de quelqu’un, ça lui fait plaisir (sourire sur le dessin), elle permet aussi à cette personne de renforcer une part d’elle qui lui est chère (coeur sur le dessin). Ainsi, plutôt que de se positionner dans une relation duelle où l’autre est menaçant, elle acquiert la capacité de se mettre dans un monde où les relations sont collaboratives. Je la revois un mois plus tard : sa relation avec cette collègue s’est renforcée, j’apprends que la relation avec son copain s’est apaisée (ce dont elle ne m’avait pas parlé au début, et la relation était mise à mal par ses pensées qu’il puisse aller voir ailleurs, lui faire du mal...) et elle a réussi à entrer en relation avec de nouvelles personnes sans que cela active d’angoisse liée à la paranoïa. Elle a repris le raisonnement que nous avions eu et elle se laisse le temps de décider si c’est une relation où il y a de la réciprocité. Elle a mis fin à son suivi parce qu’elle sentait avoir avancé et être bien dans ses relations aux autres, en ayant fait la part des choses entre une saine méfiance et une paranoïa abusive.

DÉTOUR EN POSITION DÉCENTRÉE INFLUENTE

Les conversations basées sur la pratique narrative permettent de rendre visible l’invisible dans le sens où une lecture intentionnelle est faite de faits qui ont été banalisés comme normaux. Cette lecture permet à la personne de se positionner dans sa vie dans les valeurs qui lui sont chères et de retrouver une certaine initiative perdue. Ceci est également possible par la posture du thérapeute qui est nommée « décentrée influente ». Michael White prend l’analogie d’un journaliste d’expertise. La position est décentrée (en tant que thérapeute) de ses croyances, ses représentations mentales, sa culture... car centrée sur celles du patient. Et influente car c’est le thérapeute, qui par le choix de ses questions, va choisir de s’orienter vers l’exploration de tel ou tel territoire de la vie de la personne mise dans l’ombre.

CONSTRUIRE L’IDENTITÉ FAVORITE DU PATIENT À TRAVERS LE REGARD DE L’AUTRE

Dans le cadre de la dépression, l’identité de la personne peut être saturée par une histoire dominante qu’elle se raconte à elle-même (« je suis nul.le », « je rate tout », « je n’ai pas de valeur »...) pour diverses raisons (maltraitance, carence affective...). Les voix de la dépression amènent de la dévalorisation. Comment une personne peut-elle sortir de cette conclusion identitaire négative alors qu’elle entend chaque jour, de son intérieur, les voix de la dépression ? Le détour de la relation, quand elle est présente, va permettre de contribuer à la déconstruction de cette conclusion identitaire négative. La carte du remembering utilisée dans ce cas nécessite un préalable : qu’il existe des relations sécures. S’il n’y a pas de relations sécures, alors elles sont à rechercher ou à construire comme vu plus haut.

CAS CLINIQUE 2

Hélène est une femme de 39 ans qui a été brutalement frappée par la dépression il y a trois ans. Elle se dit en dépression depuis vingt ans, mais avant elle arrivait à être le boute-en- train de ses amis et à assurer au travail. Elle est célibataire et n’a pas d’enfant. Il y a des antécédents de viol dans l’enfance….


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Charlotte Thouvenot Psychologue et psychothérapeute en libéral, spécialisée en psychopathologie de la cognition et en gérontopsychiatrie. Formée à l’hypnose et aux thérapies stratégiques, narratives et aux mouvements oculaires. Formatrice en hypnose et en thérapie narrative.
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La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


Enfants et prescription de symptôme.

Psychotherapie.FR - mercredi 16 avril 2025 - 14:48
COMMENT AMENER LES PARENTS À DEVENIR CO-THÉRAPEUTES Nathalie KORALNIK pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Quand peurs, cris, refus ou blocages mettent à mal la paix dans la famille, entraînant l’inévitable escalade entre parents et enfants, la solution peut venir de la prescription de symptôme. Une intervention qui peut paraître déconcertante, entre le virage à 180 degrés et le total contrepied. A manier avec bienveillance et subtilité. Dans l’approche interactionnelle et stratégique, la prescription de symptôme est une intervention thérapeutique de type paradoxal dont les variantes sont nombreuses... et toujours surprenantes. Dans cet article, je souhaite vous présenter une forme qu’il nous arrive souvent de prescrire à des parents d’enfants de tous âges qui consultent pour des problèmes récurrents, douloureux mais finalement très communs d’escalade symétrique, de disputes, de crises, des problèmes capables de mettre à mal la relation avec leurs enfants mais aussi de déteindre sur l’équilibre de toute la famille. Cette prescription, tout efficace qu’elle puisse être, est assez délicate à appliquer et il faut s’assurer que la personne qui consulte l’ait bien comprise, de sorte qu’elle puisse l’appliquer à bon escient pour en retirer tous les bienfaits... et retrouver davantage de paix dans la relation. Pour l’illustrer, trois histoires...

HISTOIRE DE CLAUDINE ET CHARLOTTE

Claudine, maman de deux filles respectivement âgées de 9 ans et de 6 ans, appelle pour prendre rendez-vous pour sa deuxième fille, Charlotte. Motif : « Charlotte, raconte Claudine, a un sacré cabochon, et lorsqu’elle n’est pas contente, elle peut hurler pendant longtemps. » Elle s’oppose fréquemment aux décisions des membres de sa famille, ce qui lui donne autant d’occasions de crier. Je lui demande tout de suite si Charlotte se plaint elle-même de quelque chose. « Absolument pas, répond Claudine. C’est pour nous (les trois autres membres de la famille) que c’est difficile. » Décision est prise de voir les parents seuls, dans le but de les outiller et de les embaucher « comme co-thérapeutes » afin d’aider leur fille. C’est ce que nous appelons une « thérapie indirecte », que nous pratiquons avec les personnes qui souffrent d’un problème et qui sont mobilisables lorsque le patient désigné ne veut pas ou ne peut pas venir consulter. J’ai choisi de vous présenter le cas de Claudine car il a une originalité : les parents (surtout la maman) se veulent compréhensifs, à l’écoute, leur éducation doit être positive ; une confrontation un peu énergique avec sa fille lui est impensable car assimilée à de la brutalité. Elle cède dans la plupart des cas, lorsqu’elle considère qu’elle peut laisser sa fille faire comme elle veut, mais tient bon parfois lorsqu’elle décide qu’elle n’a vraiment pas le choix.

Concrètement, lorsque Charlotte est mécontente, par exemple de devoir marcher dans la rue pour aller à un endroit où elle ne veut pas aller – comme à la bibliothèque pour rendre les livres empruntés –, elle hurle tout ce qu’elle peut tandis que sa mère (ou parfois son père) la traîne pour qu’elle avance. La dernière fois, elle s’est égosillée pendant vingt minutes, puis s’est plainte d’avoir mal à la gorge. Les passants la regardent, font parfois des commentaires, mais elle est dans sa bulle et ne semble pas en être affectée. Dans la plupart des familles, généralement, les tentatives de solution des parents consistent à ordonner à l’enfant de se taire puis à exploser dans une escalade symétrique lorsqu’ils n’en peuvent plus, ou alors à céder par lassitude et souvent par honte devant le regard d’autrui. Mais pas Claudine. Elle a compris qu’être frontale avec sa cabocharde de fille ne sert à rien, elle ne veut pas lui faire du mal psychologiquement, alors elle se tait, la tire effectivement pour la faire avancer tandis que la petite crie à qui mieux mieux jusqu’à ce qu’elle soit distraite par autre chose et arrête de crier.

Claudine raconte tout cela de manière assez placide, mais lorsque j’approfondis un peu elle avoue qu’elle est « fortement agacée ». Fortement agacée, mais elle ne dit rien. Et maintenant, il faut rejoindre Claudine, soigner la relation avec elle, lui faire sentir qu’elle a été entendue et comprise quant au problème pour lequel elle consulte, tout en commençant à intervenir sur sa perception : car nous devons guider la personne de manière à ce qu’elle fasse un 180 degrés par rapport à ses tentatives de solutions, c’est-à-dire carrément le contraire de ce qu’elle faisait jusqu’à présent et qui ne fonctionnait pas. Nous devons la rejoindre, l’accompagner et la conduire (« pacing and leading », comme le disait Milton Erickson), et dans cette communication le savoir-faire hypnotique a toute sa place. Je demande à Claudine :

- Thérapeute : « Pensez-vous que Charlotte n’a pas capté votre agacement ?
- Claudine : Si, si, elle l’a capté, même si elle est complètement dans son truc quand elle crie pendant si longtemps. En même temps, je ne vais pas l’empêcher d’exprimer son ressenti... J’ai une image de la petite Charlotte toute seule « dans son truc », dans sa transe de contrariété, de colère et de douleur.
- Th. : Non, non, bien sûr que non. Mais récapitulons un peu : Charlotte est contrariée, très contrariée, elle l’exprime, pour l’exprimer elle peut crier dans ce grand vide sidéral où personne ne lui dit rien, où finalement elle est prise dans sa colère, toute seule avec elle-même tout en étant dans le monde parmi les autres, et par ailleurs même si vous ne lui dites rien, elle sent bien que vous êtes agacée, que cela ne vous convient pas, finalement. Pour le dire autrement, d’un côté elle peut crier, de l’autre elle sait que cela ne vous va pas... »

En effet, comme nous l’a appris Paul Watzlawick, « on ne peut pas ne pas communiquer »... Nous voyons qu’à ce stade, en terme de dynamique interactionnelle, nous n’avons pas de franche escalade symétrique, où les deux protagonistes se livreraient à un bras de fer doublé d’une réelle dispute, mais nous n’avons pas non plus une franche relation complémentaire, où l’un des deux céderait au bénéfice de l’autre. C’est une symétrie plus larvée, où la maman tient son objectif mais ne dit rien car elle ne veut pas tomber dans le piège de forcer sa fille à ne pas crier, et où la fille fait à sa manière les pieds au mur mais où elle n’a pas d’autre choix, semble-t-il, que de crier jusqu’à n’en plus pouvoir. La maman a fait un choix éducatif plus permissif, dirions-nous, mais elle se tait. Et elle communique malgré elle un agacement, un « j’aimerais que tu te comportes autrement », et on la comprend ! On pourrait dire que ce qu’elle a mis en place, c’est quelque chose à mi-chemin entre la tentative de solution classique de l’escalade symétrique qu’elle veut éviter, et un 180 degrés accompli. Elle est coincée dans le dilemme suivant : « comme il est hors de question que je crie moi-même alors que ma fille crie, je me tais (mais ça n’est pas satisfaisant) ».

Nous sommes dans une relation complémentaire problématique car en contradiction avec ce qu’elle pense : « Si seulement elle pouvait ne pas crier ! » Ce qui représente tout de même une escalade symétrique. Et comme elle ne peut pas toujours laisser sa fille faire ce qu’elle veut (par exemple, la laisser seule dans la rue), elle la tire tandis que la petite résiste en criant (mais ça n’est pas satisfaisant non plus). Là aussi, nous avons une escalade symétrique. Telle est la dynamique interactionnelle du problème, sur laquelle nous allons calquer la dynamique interactionnelle de la solution de manière à faire vraiment quelque chose de différent par rapport à ce qui n’a pas fonctionné. Voici donc la prescription thérapeutique telle qu’elle a été donnée à Claudine :
- Th. : « Comme nous l’avons vu, Charlotte sent que vous espéreriez qu’elle se comporte autrement, mais comme elle est contrariée – et fâchée contre vous –, elle n’est pas près de vous faire ce plaisir. En même temps, il semble qu’elle puisse se retrouver comme coincée dans cette émotion de grande contrariété qui l’oblige à hurler dans la durée, jusqu’à en avoir mal à la gorge, mais c’est comme si elle n’avait pas d’autre choix pour le moment. Je voudrais vous proposer une alternative, une indication très bien traitante et bienveillante qui à mon avis coche toutes les cases de ce qui est important pour vous – et pour moi. Cette alternative, en essence, va communiquer à Charlotte : “tu as le droit d’avoir des émotions, tu as le droit de les manifester, je t’en prie fais-le, et cela me va tout à fait, je n’en suis pas incommodée.

Mais nous allons tout de même faire ce que j’ai prévu qu’on fasse”. Concrètement, voici ce que cela peut donner : “ma chérie, je vais te dire quelque chose qui ne va pas te plaire, et tu vas certainement avoir envie de crier, je t’en prie si ça te fait du bien n’hésite pas à crier autant que tu le peux pendant que nous marchons, car nous allons aller rendre les livres à la bibliothèque”. Alors vous comprenez que si Charlotte crie tant qu’elle peut, elle vous aura obéi, n’est-ce pas, et nous serons contentes qu’elle vous ait obéi ! Et si au contraire elle ne crie pas, mettons qu’elle vous regarde bizarrement ou se mette à bouder mais ne crie pas, elle vous aura désobéi mais nous serons contentes aussi, n’est-ce pas ? Tout le monde sera gagnant. Et bien sûr vous ne lui direz pas : “tu vois, quand tu veux, tu peux être sympa !”. Donc, qu’elle crie ou qu’elle ne crie pas, qu’elle vous obéisse ou qu’elle vous désobéisse, tout le monde sera gagnant et elle aura eu de vrais choix. Car vous savez, c’est très différent pour un enfant de crier de manière interminable, sans l’avoir vraiment choisi mais sans pouvoir faire autrement, et de crier parce que sa mère le lui a demandé.

Là, ce sera vraiment une décision. Dans ce dernier cas, si elle crie, alors vous devrez attentivement noter si elle crie aussi fort, plus fort, moins fort que d’habitude, et combien de temps, plus longtemps, moins longtemps... Et de votre côté, en prescrivant le symptôme, comme on le dit dans notre jargon, vous surferez sur la vague au lieu de vous la prendre sur la tête à chaque fois tout en serrant les dents et en crispant les orteils. »

Avec cette prescription, au lieu de ne rien dire et de laisser faire, la maman a quelque chose de précis à dire ; au lieu de penser : « si seulement ma fille pouvait ne pas crier et faire ce que je lui dis », elle lui conseille chaleureusement d’exprimer son mécontentement autant qu’elle le veut car cela ne la dérange pas (et elle doit être sincère en le disant). Nous voyons comment, dans ce cas, notre fameux 180 degrés par rapport aux tentatives de solution – c’est-à-dire notre intervention thérapeutique – consiste à prescrire le symptôme. La dynamique relationnelle d’escalade symétrique s’est transformée en une complémentarité. Claudine revient deux semaines plus tard, surprise et amusée. Charlotte n’a quasiment plus crié. Elle a dit qu’elle n’avait pas envie de faire certaines choses, mais ça a été.

Quand il a fallu aller à la bibliothèque rendre les livres de la semaine écoulée, elle a essayé de marcher très lentement alors que sa mère voulait avancer, mais Claudine, encouragée par les résultats de la première prescription de symptôme, s’est autorisée à lui proposer de marcher à son rythme tandis qu’elle et sa soeur avançaient au leur (l’environnement était sans danger). Ici aussi, nous avons une complémentarité. Charlotte s’est empressée de leur emboîter le pas. Une condition sine qua non : prescrire le symptôme se fait sans sarcasme ni ironie, mais avec conviction (pour cela, le thérapeute se sera assuré que la personne a bien saisi et intégré toutes les subtilités de l’intervention), avec fermeté (car elle va tenir ce qu’elle a décidé de tenir) et avec une sincère bienveillance.

HISTOIRE DE CYRIL ET DE SA MAMAN

Ce sont les deux parents d’un garçon de 9 ans qui viennent avec leur fils, Cyril. Lorsque l’orthophoniste de Cyril, qu’elle suit pour une dyslexie, leur a conseillés de venir me voir, celui-ci répétait régulièrement qu’il était nul, qu’il ne comprenait rien, qu’il en avait marre et qu’il serait mieux s’il était mort. Tout le monde était en alerte. Je lui demande :
- Th. : « Tu en as tellement marre que tu dis que tu serais mieux si tu étais mort, c’est ça ?
- Cyril : Oui.
- Th. : Je vois ça... (silence). Tu serais mieux et tu en aurais moins marre s’il se passait quoi de différent ?
- Cyril : Je n’aime pas l’école – enfin j’aime quand même bien les copains à l’école –, mais surtout je déteste les devoirs, je ne comprends rien et j’y arrive pas.
- Th. : Ah, c’est sûr que comme ça, c’est vraiment pénible... (silence). Mais toi, tu dis que tu voudrais ne jamais faire les devoirs ?
- Cyril : Ah non, ce n’est pas possible, ça ! J’aurais encore de plus mauvaises notes !
- Th. : Bon, donc tu es en train de me dire que si tu pouvais rendre les devoirs moins pénibles, étant donné que tu ne peux pas les éviter, ce serait franchement mieux, j’ai bien compris ?
- Cyril : Oui.
- Th. : D’accord, on va voir si on est capables de faire ça. » Nous tenons donc un objectif. Quelques mots sur le contexte : Cyril n’a pas franchement des résultats épouvantables à l’école, et il ne déteste pas son enseignante.

C’est un garçon fin et intelligent. C’est juste, dit-il, que c’est dur, qu’il doit beaucoup travailler, qu’il est souvent déçu des résultats qu’il obtient et qu’il préfère jouer. A part ça, il aime apprendre d’autres choses et regarder des documentaires sur la nature, les planètes et les animaux. La maman, qui reconnaît que l’école telle qu’elle existe n’est pas vraiment idéale pour son fils et réciproquement, est à la demande des enseignants très investie dans le travail scolaire, elle assume cette responsabilité (tandis que le papa s’occupe des sports). Sachant que son fils a des problèmes de dyslexie, elle fait de son mieux pour qu’il apprenne, révise, et elle a charge de lui demander des choses en plus (les exercices de l’orthophoniste, plus d’autres pour s’assurer qu’il a bien compris les leçons de l’école). Elle fait naturellement cela pour son bien, puisque dans un an et demi c’est la 6e et qu’il faut qu’il soit préparé. Résultat : le travail scolaire exige en effet beaucoup de temps (trop de temps), mais ce temps est quasiment doublé à cause des scènes et des drames entre le fiston et sa maman, préalables au travail en tant que tel. Là aussi, il s’agit d’une escalade symétrique.
Sa maman l’appelle : « Cyril, c’est l’heure de faire les devoirs... »...

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NATHALIE KORALNIK Enseigne l’approche systémique et stratégique brève et l’hypnose ericksonienne à l’Institut Gregory Bateson (IGB). Elle consulte en cabinet privé dans la région lyonnaise en français, anglais et italien, et supervise des équipes socio-éducatives dans sa région. Egalement traductrice et interprète, elle traduit des séminaires et des ouvrages dans ses domaines de compétence.

Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier N°74 : Août / Sept. / Octobre 2024

La puissance thérapeutique de la relation humaine

Julien Betbèze, rédacteur en chef, nous présente ce n°74 :

Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


La puissance thérapeutique de la relation humaine.

Hypnose Therapie Breve - mercredi 16 avril 2025 - 14:28
Editorial Dr Julien BETBEZE pour la Revue Hypnose et Thérapies Brèves 74. Si la prise en compte du corps relationnel est au centre des changements en thérapie, cela implique pour le thérapeute d’être attentif au contexte relationnel favorisant les processus dissociatifs. Et pour favoriser les processus de réassociation, le thérapeute doit être en capacité de modifier les interactions qui entretiennent le problème.
. Nathalie Koralnik, dans un texte clair et pédagogique, nous montre comment la prescription du symptôme permet à des parents consultant pour des problèmes récurrents, avec une escalade symétrique de disputes et de crises, de retrouver une relation éducative positive, les parents pouvant s’investir dans un rôle de co-thérapeutes. L’approche stratégique, lorsqu’elle est pensée de manière coopérative, est vraiment un outil de choix pour sortir des impasses relationnelles.


Delphine Le Gris nous parle de Mélanie, une jeune femme en grande souffrance après une rupture sentimentale où la relation de couple était depuis longtemps perçue comme maltraitante. En s’immergeant dans l’histoire de sa patiente, l’image de la mer et de l’eau est apparue, avec des vagues réparatrices permettant de retrouver les ressources enfuies et de rendre possible l’oubli des relations difficiles emportées au large. Nous voyons ainsi l’importance pour le thérapeute de se connecter à l’histoire racontée par le sujet pour ouvrir un imaginaire partagé, dans lequel la vie relationnelle va reprendre sa place.

Michel Dumas évoque l’histoire de Stéphanie, confrontée à la déliquescence de la relation avec son mari qui, le plus souvent, met en scène sa tristesse et se réfugie devant son téléviseur. Elle ne parvient pas à aborder avec son conjoint cette situation où elle se sent de moins en moins aimée, car elle a peur d’un conflit qui provoquerait les conséquences qu’elle redoute. Après un recadrage : « si tu fais l’agneau, tu trouveras le loup qui te mangera », le thérapeute prescrit trois tâches stratégiques possibles pour sortir de ce cercle vicieux relationnel.

Jérémie Roos nous raconte comment la situation bloquée de Zohra, attaquée par un chien, a pu évoluer grâce au sous-main de son bureau utilisé comme une scène imaginaire. Celle-ci permettra l’émergence de nouvelles formes relationnelles, ouvrant de nouveaux possibles grâce au soutien de la relation thérapeutique.

Gérard Ostermann nous présente la synthèse effectuée par,  Michel Ruel, à partir du travail de la CFHTB, sur l’utilisation de l’hypnose pour faire face à la souffrance au travail. Il rappelle l’importance de différencier le pré-effondrement de l’effondrement dans ces prises en charge. L’illustration clinique de la situation inquiétante d’un cadre d’entreprise subissant un début de désocialisation met en évidence l’intérêt du travail avec les métaphores pour retrouver des objectifs atteignables.

Morgane Monnier, quant à elle, nous présente l’intérêt de l’hypnose et des thérapies brèves pour améliorer les prises en charge en psychomotricité.Dans le dossier thématique « Thérapie et relation ».

Géraldine Garon et Solen Montanari mettent en lumière la puissance thérapeutique de la relation humaine lorsque le thérapeute et le patient entrent dans un processus de co-construction par un travail de questionnement permettant l’émergence d’un imaginaire partagé. Elles montrent, à travers les situations de Lou (qui se plaint de tics) et de Mathilde (présentant un excès de poids), comment l’externalisation nourrit le processus thérapeutique en favorisant l’accordage. Cet article décrit très bien l’apport de la TLMR à la mobilisation des ressources et au repositionnement du sujet. .

A partir de trois situations cliniques, Charlotte Thouvenot décrit avec précision l’importance de la carte du remembering pour retrouver une relation vivante et faire l’expérience de l’estime de soi.

Olivier de Palézieux développe une meilleure compréhension du concept d’empathie, au centre de la relation. Pour cela, il en décrit l’historique et les variations de sens. Il illustre l’intérêt de sa réflexion à propos du cas de Lucas présentant un TSA (trouble du spectre autistique).

Vous retrouverez la chronique de Sophie Cohen sur une première consultation autour de la détresse conjugale et des réseaux sociaux, celle de Sylvie Le Pelletier-Beaufond « Passer les portes secrètes et apaiser les craintes ». Tandis que Stefano Colombo et Muhuc vous feront découvrir ce qui peut se cacher derrière la « peur du conflit ».

Livres en bouche du mois.


Commandez la Revue Hypnose & Thérapies brèves n°74 version Papier

Anne LALANDE

Articles EMDR - IMO - jeudi 10 avril 2025 - 22:43
Infirmière,
Hypnose Médicale,
DU douleur,
Thérapeute EMDR IMO près de Bordeaux.

Gestion du Stress Post-Traumatique, Gestion de la douleur.
Troubles de la fertilité.
Sevrage tabagique.


Dans le cadre de ma pratique, j'intègre diverses approches thérapeutiques pour offrir un accompagnement personnalisé et efficace. Parmi ces approches, l'EMDR-IMO (Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires) se révèle être un excellent complément à l'hypnose. Bien que je ne l'utilise pas systématiquement, cette technique est particulièrement utile pour la gestion des traumatismes. En combinant l'EMDR-IMO avec l'hypnose, je peux aider mes clients à diminuer la charge émotionnelle liée à des expériences traumatisantes, rendant ainsi l'hypnose encore plus efficace dans certains cas.
Consultations 222 Avenue du Taillan Médoc
33320 Eysines
0666540299

https://www.hypnose-eysines.fr/


Formations Formation au CHTIP Collège Hypnose & Thérapies Intégratives de Paris, et à l'Institut IN-DOLORE.
Formation en EMDR IMO à France EMDR IMO avec Laurent GROSS & Laurence ADJADJ
Inscrite au Registre des Praticiens EMDR - IMO de France sous le numéro 241505020

BORDEAUX: Formation et Supervision sur les phobies, anxiété et la claustrophobie.

Agenda Hypnose Thérapie Brève - jeudi 10 avril 2025 - 18:00
A Bordeaux, dans le cadre de l'HypnoCercle ®, faisant suite à la formation.
Supervision animée par Frédérique LEMAISTRE et ses approches plurielles pour mieux prendre en soin les phobies, l'anxiété et la claustrophobie.

Le travail de Frédérique LEMAISTRE repose sur l’autonomie du patient, la créativité et la posture thérapeutique comme leviers essentiels pour dépasser les troubles anxieux et la claustrophobie, notamment en contexte médical. De Milton Erickson à François Roustang, de Vygotski à Nietzsche, ses influences multiples nourrissent une pratique fluide et adaptable.

Une supervision dynamique et appliquée
Lors de cette session dédiée aux stratégies face aux phobies et à l’anxiété, Frédéric LEMAISTRE sera là pour vous permettre d'explorer les ponts entre différentes approches thérapeutiques, tout en renforçant votre posture et votre impact clinique.
Un espace pratique, interactif et stimulant, conçu pour enrichir votre pratique et votre confiance en tant que praticien.


Frédérique LEMAISTRE est Manipulateur en électroradiologie, Praticien EMDR IMO,
Thérapies Brèves Orientées Solutions, Hypnose Thérapeutique, Manipulateur radio en radiothérapie à l’institut Bergonié.
Expert dans la prise en charge de la douleur du département de radiothérapie
Formation en EMDR au CHTIP Collège Hypnose Thérapies Intégratives Paris, à l'Institut IN-Dolore

Formateur en Hypnose Médicale à l'IMIM associe son expertise clinique à une approche psychocorporelle innovante.
Formé à l’hypnose médicale et thérapeutique (DIU Bordeaux II), Certifié par France EMDR - IMO ®, et à l’accompagnement des femmes souffrant d’endométriose ou victimes de violences intrafamiliales, il intervient avec une vision intégrative et humaniste du soin.
229 Cour de l'Argonne le 10/04/2025 19h00 22h00
https://hypnose33ebe.org/

Mémoire participants

Forum Psychotherapie.Fr - vendredi 4 avril 2025 - 20:41
Bonjour,


Dans le cadre d'un mémoire de fin de cursus, je cherche quelques personnes à accompagner dans un suivi (qui pourra se poursuivre une fois le mémoire validé).
Les séances pourront se faire en visio si besoin.

Merci à vous, n'hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressés.


Constance

Livres Hypnose

Hypnose TabacOubliez le tabac ! : La méthode révolutionnaire pour arrêter de fumer. Jean-Marc Benhaiem

Le Dr Jean-Marc Benhaiem, qui pratique l'hypnose depuis 1981 et a créé le diplôme universitaire d'hypnose médicale à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière, explique comment arrêter définitivement de fumer.





Hypnose L'hypnose aujourd'hui. Dr Jean-Marc Benhaiem

Que peut vraiment l'hypnose ? Depuis sa découverte voici plus de deux siècles, elle suscite fascination et défiance. Donnant la parole à des médecins et thérapeutes d'horizons très divers qui ont fait de l'hypnose un instrument privilégié de leur pratique, l'ouvrage explore " tous les états " de cette expérience : traitement de la douleur, des phobies, anesthésie, pédiatrie, sexologie, soins palliatifs, recherche sur le cerveau...





l'Hypnose qui soigne

Soigner par l'Hypnose. Dr Gérard Salem, Eric Bonvin

L'hypnose est aujourd'hui reconnue comme thérapie pour de nombreuses applications, notamment le traitement des douleurs rebelles (angoisses, phobies, troubles du sommeil, etc.). Nombre de médecins, psychiatres, psychologues, mais aussi généralistes, pédiatres et anesthésistes recourent à cette pratique.




gregory lambretteRevue Hypnose & Thérapies Brèves 28 Gregory Lambrette

Un dialogue inhabituel. Cybernétique et émotions.

Une des avancées importantes de l’approche stratégique brève concerne la prise en compte du travail avec les émotions. Gregory Lambrette situe cette évolution dans une perspective historique, pour nous emmener loin des conceptions pionnières initiales, sans pour autant s’en couper.

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